Mieux étudier l’impact des lancements sur l’environnement

Charline Coudry et Damien Baclet, Juin 2023

La régulation des lancements, un signal fort à envoyer au secteur spatial

Entre 2021 et 2022, le nombre de lancements a explosé, augmentant de 28%. Les méga constellations de télécommunication en sont le premier facteur, tractant une multitude d’autres applications en pleine croissance. Dans le même temps, très peu d’études et de normes existent concernant l’impact environnemental du secteur. Les lancements, phase visible de cette chaîne globale d’émissions, n’échappent pas à la règle. 

A l’instar du voisin aéronautique, l’argument de l’infime rôle du secteur dans les émissions mondiales se retrouve régulièrement à propos du spatial. Il est cependant encore plus faux dans ce cas. Même si, en effet, l’impact du spatial sur le climat est infime, environ 10% du secteur aérien, il va connaître une croissance beaucoup plus importante et donc potentiellement rattraper rapidement l’aviation. De plus, cet argument ne prend pas en compte les conséquences sur la biodiversité, catastrophiques à côté des bases de lancements, et pouvant influer à un niveau plus global. Prendre de l’avance en entamant les discussions sur de potentielles régulations est donc un sujet important et actuel.

L’absence de régulations, environnementales ou non, à propos des activités spatiales, se comprend à plusieurs niveaux. Historiquement, l’Espace est un champ militaire, et qui dit activités militaires, dit également absence de normes environnementales. Plus récemment, l’Espace est le théâtre d’une course à la croissance qui n’incite absolument pas à l’atténuation des émissions mais plutôt à l’innovation, la production et l’industrialisation. Enfin, depuis le début du monopole militaire jusqu’au théâtre économique actuel, personne ne connaît réellement l’impact des activités spatiales sur l’environnement. Comment convaincre sans argumentaire scientifique tangible et accepté de tous ? Cette connaissance de ses propres émissions est cruciale pour entraîner de profonds changements.

Réguler le spatial, quantifier son impact est nécessaire, mais par où commencer ? Si une approche systémique est la plus à même de limiter les émissions du secteur, elle ne peut s’appliquer sans des précédents, des régulations pionnières pour créer une dynamique en faveur de la prise en compte de ces enjeux dans les activités spatiales. S’intéresser à l’impact du lancement, c’est envoyer un signal fort à l’ensemble des acteurs du secteur et au grand public. Commencer par réguler ce qui est évident, visible, et qui concerne chaque entreprise du spatial. Même si cela ne suffit évidemment pas, c’est un premier pas nécessaire.

Recommandations

  • Premièrement, de vastes programmes de recherches sont à financer à propos de l’impact du secteur, et particulièrement de la phase de lancement. Si la France a été leader du marché commercial pendant de nombreuses années, une façon de regagner ce leadership et d’en insuffler sa transformation en comprenant mieux les technologies à prioriser. 
  • Deuxièmement, une entité nouvelle doit se constituer afin de porter la régulation des lancements à l’échelle internationale. Rattachée au COPUOS ou indépendante, ce consortium devra être composé de nations, d’entreprises, de scientifiques afin d’aboutir à des résultats de référence à même d’infléchir les programmes de l’industrie du lanceur mondiale. Pour les discussions, s’inspirer des Accords de Paris et du Protocole de Montréal est un bon point de départ pour transposer la norme environnementale aux activités extra-atmosphériques.

Des actions doivent être entreprises dès maintenant pour atténuer les atteintes des activités spatiales sur la biodiversité et le climat. Ces actions engendreront dans le même temps la viabilité de ces activités, dans un monde nouveau où une innovation nocive pour la planète ne doit plus être proposée. 

User du spatial dans la lutte contre le changement climatique

Charline Coudry et Damien Baclet, Juin 2023

Le citoyen, le spatial et le climat

En mai 2023, la NASA dévoilait une vidéo édifiante permettant de visualiser les émissions de CO2 ainsi que leur origine. La mission Orbiting Carbon Observatory-2, parmi tant d’autres, institutionnelles ou commerciales, contribue à la connaissance précise des phénomènes climatiques. Le spatial est ainsi un outil de compréhension indispensable des changements auxquels notre planète fait face et de la responsabilité de l’Homme dans ces processus. Cependant, le grand public ne le perçoit pas toujours comme tel, la qualifiant d’industrie ultra-polluante et de terrain de jeu d’ultra-riches. Ce sentiment populaire peut, s’il persiste et se renforce, mettre en danger l’ensemble du secteur et les bénéfices sociétaux de ce dernier.

ASTRES a réalisé un sondage auprès d’un public non-spécialiste afin d’y cerner la vision du secteur et de ses enjeux. Une injonction régulière était que le spatial était une industrie des plus polluantes. Cela est vrai, des premières actions de régulation sont d’ailleurs nécessaires (voir la proposition “Mieux étudier l’impact des lancements sur l’environnement”). La surreprésentation de cette réponse comparée à la rareté du rôle du secteur dans la lutte contre le réchauffement climatique interroge. 

En 2019, suite à l’initiative du CNES, le Space Climate Observatory est officiellement lancé. Il a pour rôle de contribuer à l’adaptation des territoires par la mutualisation des outils développées par la filière et les données spatiales. Ainsi, il peut entraîner la compréhension par le grand public de l’utilité du spatial dans la crise climatique. La poursuite des efforts concernant la publication et la divulgation de l’apport du spatial pour le climat est nécessaire à travers les informations du Space Climate Observatory. C’est à travers ces actions que le grand public peut prendre conscience que le spatial n’est pas qu’une industrie mais aussi la clé de notre compréhension des changements environnementaux. Cela peut également permettre un nouvel engouement citoyen pour l’Espace au service de la Terre et pas que pour l’exploration lointaine. 

Créer un engouement populaire autour du spatial est primordial pour la dynamique du secteur. Le rêve de l’exploration spatiale est nécessaire pour cela mais ne suffit plus, les citoyens n’y attachant plus la même importance si cela se fait en brûlant notre propre planète. Convaincre que le spatial est un rêve mais surtout une nécessité sur Terre doit être une priorité. Le SCO a tout pour devenir l’ambassadeur de cette mission, à condition qu’il gagne en notoriété.

RTG, l’électricité française de l’espace

par Antoine Chesne, Juin 2023

Une source stable d’énergie pour les missions longues

Les générateurs radioélectriques à radio-isotopes (RTG) produisent de l’électricité à partir de la désintégration naturelle d’un isotope radioactif. En se désintégrant, les atomes émettent de l’énergie sous forme de chaleur, qui est convertie en électricité par effet Seebeck à travers des couples thermoélectriques. Contrairement à un réacteur nucléaire, il n’y a pas de réaction en chaîne.

Les RTG permettent de produire de l’électricité indépendamment de l’environnement extérieur sur de très longues périodes : leur durée de vie dépend de la durée de demi-vie de l’isotope utilisé. Les RTG peuvent ainsi fonctionner de façon stable pendant plusieurs décennies sans ravitaillement, pour maintenir opérationnels les instruments embarqués.

Les RTG conviennent bien aux sondes interplanétaires, aux rovers, et à tout vaisseau devant fonctionner longtemps avec une puissance électrique modérée.En résumé, les RTG correspondent bien à l’adage italien “chi va piano va lontano”.

Le point faible des RTG est leur faible puissance massique (en W/kg), qui limite leur usage. Il n’est pas possible d’alimenter en électricité un vaisseau habité ou un radar actif avec un RTG. L’intérêt pour la propulsion électrique est aussi limité.

La première brique du nucléaire spatial

Les RTG ont été mis au point dans les années 1960, puis adoptés pour les premières missions d’exploration lunaires et interplanétaires. Depuis les sondes Pioneer et Voyager, toutes les sondes allant au-delà de la ceinture d’astéroïdes sont équipées de RTG (à cette distance le flux solaire est insuffisant pour alimenter correctement des panneaux solaires). Les RTG sont aussi prisés pour les atterrisseurs martiens car les panneaux solaires ont tendance à être recouverts de sable lors des tempêtes. Enfin, il est aussi possible d’utiliser des petits RTG à bord d’instruments embarqués : les astronautes du programme Apollo ont ainsi déposé des instruments de mesure sur la Lune dotés de RTG.

Le combustible

Il existe plusieurs isotopes pouvant être utilisés pour faire fonctionner du RTG. Les critères de choix sont la durée de demi-vie, la puissance massique (W/kg), et le niveau de rayonnement émis, pour protéger l’environnement proche on évitera des isotopes émettant un fort rayonnement gamma ou un flux de neutron trop fort par exemple. Les bons candidats sont répertoriés ci-dessous : 

Jusqu’à présent, les sondes spatiales ont utilisé le Plutonium 238, disponible grâce aux programmes d’enrichissement militaire et qui constitue un bon compromis entre sa durée de vie et sa puissance tout en ayant un rayonnement peu dangereux et facile à neutraliser sans alourdir le système.

Une technologie indispensable mais à l’avenir incertain

Avec l’apparition de systèmes robotiques, d’outils de surveillance et de mesure sur la Lune, Mars ou les astéroïdes, les RTG seront indispensables pour assurer sur de longues périodes une fourniture d’électricité stable et sûre.

Mais paradoxalement, leur avenir est compromis par le manque de combustible disponible. Les stocks d’isotopes, principalement produits durant la guerre froide s’amenuisent et ne sont pas renouvelés. A très court terme, Etats-Unis et Russie devraient être en pénurie de Plutonium 238, tandis que les programmes nucléaires des autres pays n’ont pas permis d’en disposer en quantité suffisante.

Sans relancer les programmes nucléaires civils, notamment pour la recherche, l’exploration spatiale risque de ne pas pouvoir compter sur des RTG adaptés au-delà de 2030.

Quelle stratégie pour la France ?

La France, tout comme les autres pays européens, n’a jamais produit de RTG spatiaux. Mais plus que ses voisins, elle dispose de tout le savoir-faire nécessaire grâce à la filière nucléaire (CEA, Orano, TechnicAtome, etc…). A l’heure actuelle, l’ESA privilégie le développement de RTG à l’Americium 241, pouvant être produit facilement et à un coût raisonnable grâce aux usines de retraitement du plutonium (comme Mélox d’Orano à Marcoule). Après un premier programme lancé en 2009 et la validation du concept avec des pastilles tests, il est nécessaire de poursuivre les recherches pour disposer de RTG made in France à l’horizon 2030.

De plus, avec un site de lancement, Kourou, sur le territoire qui réduit la problématique de la prolifération sur Terre, la France doit avoir le leadership dans le domaine des RTG en Europe, en étant une alternative crédible aux Etats-Unis et à la Russie.

Recommandations

Accélérer les projets lancés par l’ESA d’un RTG basé sur l’Américium 241 pour disposer à l’horizon 2030 d’un générateur permettant l’exploration de l’espace lointain et les missions de longue durée à la surface des corps célestes (Lune, Mars…)

Sécuriser la disponibilité de l’Américium 241 en France : grâce à l’usine Mélox de Marcoule, la France est le seul pays d’Europe à pouvoir isoler facilement du Plutonium 241, qui se transforme en Americium 241 après quelques années. La France aura alors à moindre frais un quasi-monopole mondial des RTG une fois les stocks de Pu238 américains et russes épuisés

Alimenter la Lune en énergie

par Inès Llorens et Damien Baclet, Juin 2023

L’alimentation énergétique des appareils et infrastructures présents sur la Lune

La conquête spatiale reprenant sa course effrénée, la Lune redevient l’un des objectifs principaux de l’exploration spatiale. Deux tendances se dessinent : les États-Unis révèlent leur volonté d’installer des astronautes sur la Lune avec le programme Artémis, et la Chine affiche son désir de développer une base lunaire. L’Europe se positionne comme partenaire du Lunar Gateway, programmé par les États-Unis. La planification d’une présence durable sur la Lune est révélée et à terme sur Mars. Cela nécessite le déploiement de solutions énergétiques. Cette orientation soulève un enjeu majeur : l’alimentation énergétique des appareils et infrastructures présents sur la Lune. L’exploitation énergétique lunaire est confrontée à de nombreux défis qu’il est possible de mettre en lumière. Les contraintes liées à l’environnement lunaire constituent une difficulté : la poussière et la nuit lunaire qui correspond à 14 jours solaires (336 heures). Le coût est un obstacle majeur, l’envoi de matériaux sur la Lune étant extrêmement onéreux, une optimisation des matériaux est requise. 1 kilogramme envoyé équivaut à plusieurs centaines de milliers de dollars. 

Trois dimensions principales sont à souligner pour une alimentation énergétique sur la Lune 

La production d’énergie est possible sur notre satellite sous différentes formes. Une production nucléaire serait permise par les petits réacteurs modulaires. La filiale Rolls Royce SMR révèle la stratégie britannique de développer le nucléaire spatial. Par ailleurs, une production solaire est réalisable avec la construction de centrales solaires à la surface lunaire. Maana Electric est un acteur majeur projetant d’utiliser des ressources in situ pour la production de panneaux solaires. Ce projet est déjà en cours sur terre. 

L’emploi de panneaux solaires en orbite est une alternative. Ces-derniers correspondent au Space Solar Based Power. Puis, le stockage de l’énergie doit répondre à la contrainte de la nuit lunaire. Celle-ci entraîne des conditions climatiques difficiles et un gradient extrême de températures pour les matériaux et le moyen de stockage. Un potentiel de développement de batteries existe et commence à être saisi par certains acteurs tels qu’Air Liquid. 

Enfin, l’infrastructure et le transport sont le dernier défi à relever pour un développement énergétique lunaire. Ce transport peut être réalisé par câbles, entraînant la question du transport des matériaux ainsi que leur mise en place malgré les contraintes. Le projet Aurora-Connect a pour but d’élaborer des connecteurs spécifiques résistants à la poussière et sans genre, facilitant leur déploiement. Aussi, la distribution d’énergie sans fil est une autre possibilité avec un transport de l’énergie par ondes électromagnétiques en créant un lunar grid. Les startups EMROD et PowerLight projettent de développer cette technologie fondée sur le beaming. Selon la stratégie de la NASA, la transmission d’énergie sans fil sera adoptée à court et moyen terme, le temps de réaliser des câbles in-situ.

La France doit s’inscrire dans les défis d’énergie sur la Lune et affirmer sa place sur l’échiquier des Accords Artémis. La thématique de l’énergie sur la Lune est cruciale car elle constitue une force pour l’énergie sur Terre puis pour Mars. Les solutions disruptives développées pour la Lune ont un fort potentiel d’application pour la Terre qui nécessite des réponses innovantes.

Il est crucial qu’un signal politique fort soit porté sur les technologies énergétiques lunaires. Une feuille de route doit être dessinée pour donner une vision de la stratégie française et européenne pour l’exploration lunaire. Puis, une régulation de l’exploitation des ressources doit être affirmée, en particulier avec la prépondérance des acteurs commerciaux dans le domaine de l’énergie sur la Lune.

L’énergie solaire depuis l’espace

par Damien Baclet et Inès Llorens, Juin 2023

Space-Based Solar Power, une réalité ?

It was quiet in the officer’s room of Solar Station #5, except for the soft purring of the mighty Beam Director somewhere far below”.“Le silence régnait dans la salle des officiers de la station solaire n° 5, à l’exception du doux ronronnement du puissant Beam Director, quelque part en bas.”

Isaac Asimov

En 1941, dans sa nouvelle Reason, Isaac Asimov imagine une station récoltant l’énergie solaire et la distribuant sur Terre et sur d’autres corps colonisés. 80 ans plus tard, les nations fortes du spatial multiplient les programmes à propos du Space-Based Solar Power et laissent à penser que cette nouvelle serait bien plus qu’une science-fiction. Des panneaux pour récolter l’énergie solaire, des ondes afin de la transporter sur Terre et un réseau d’antennes convertissant le tout en électricité, cela sans le recours aux énergies fossiles dans la phase d’opération. La recette est connue, des études d’un tel concept sont récurrentes à l’échelle de l’histoire du spatial : les crises pétrolières de la décennie 1970, puis la hausse exponentielle de la demande énergétique depuis la fin du siècle dernier ont poussé les agences spatiales et les organismes de défense à en étudier la faisabilité, à commencer par les Etats-Unis, mais pas seulement. 

Quoique techniquement imaginable, la rentabilité économique était alors impensable. L’Advanced Concept Team de l’ESA concluait en 2008 qu’en Europe, la compétitivité d’un tel projet pourrait advenir à partir de 2025. 2025, soit la date où cette même ESA doit statuer sur un investissement pour le développement du SBSP, à la suite des travaux du programme SOLARIS, voté à la dernière ministérielle de 2022.

Deux facteurs expliquent l’emballement actuel à propos des projets de Space-Based Solar Power : la crise énergétique et la baisse du coût de l’accès à l’espace. Si le premier suffit à comprendre que la demande existe, le second est crucial en ce qu’il constituait, il y a encore quelques années, quelques mois, le point de blocage du SBSP. Construire une station solaire requiert plusieurs milliers de tonnes en orbite. A 10000 €/kg dans les années 90, cela ne pouvait être réaliste. Avec un prix de 200-1000 €/kg, cela l’est nettement plus. 

Face à l’essor de tels projets aux quatre coins du globe, quelle doit être l’approche française ? Doit-elle s’inscrire dans une démarche collective européenne ? La spécificité du nucléaire français nous dispense-t-elle d’un tel investissement ? Les externalités spatiales et terrestres d’un tel programme seront-elles majeures ?

Source d’énergie abondante, pilotable et non-fossile, le SBSP est aussi un potentiel vecteur de la souveraineté énergétique européenne. Européenne, voilà qui est rare quand il est question de politique énergétique et encore plus de production. Si ces questions sont à la base même de la création et du développement de l’Union avec la CECA, il n’existe plus de consensus stratégique sur la question, en témoignent les débats sur la taxonomie verte et le nucléaire face au gaz. Un consensus à propos du SBSP peut relancer une dynamique positive entre voisins européens, à condition que l’Union Européenne soutienne le projet au plus tôt.

Certains pourraient avancer que, dotée du nucléaire, la France n’a pas d’intérêt dans ces projets, possédant déjà cette nécessaire baseload décarbonée. Cependant, l’électrification de nombreux secteurs ainsi que la politique française de mix énergétique nécessite différentes sources abondantes. Investir dans une seconde baseload, accompagnant l’éternel conflictuel nucléaire, est une sécurité impérative. De plus, le bénéfice français à tirer du SBSP ne se limite pas à l’électricité produite sur Terre. 

Les externalités sont nombreuses. Le power beaming, ou la transmission d’énergie par ondes micro-ondes, est amené à se développer pour diverses applications, civiles et militaires : localités isolées sur Terre, alimentation en continue des aéronefs, alimentation de bases en orbite ou sur la Lune. Airbus est impliqué dans le développement de la technologie est pourrait devenir un leader du domaine. L’in-orbit servicing and assembly est également nécessaire à tout projet de SBSP et se duplique à de nombreuses applications duales terrestres, orbitales ou lunaires. 

Enfin, un tel projet créerait une forte demande pour un lanceur super-lourd européen, une aubaine pour ArianeGroup ? S’inscrire dans une dynamique européenne de SBSP permettra donc à la France d’assurer sa sécurité énergétique bas-carbone et de tirer des bénéfices technologiques, stratégiques et économiques majeurs.

Les technologies citées plus haut, indispensable au déploiement du Space-Based Solar Power, sont aussi vecteur de souveraineté. C’est donc en investissant collectivement dans le Space-Based Solar Power qu’une souveraineté européenne deviendra possible, et inversement…

Powerspace, le réacteur nucléaire spatial français

Auteur: Sabrina Barré, 19 Juin 2023

Qu’est-ce que c’est ?

L’électricité générée par un microréacteur nucléaire spatial (Small Modular Reactor SMR) peut être utilisée pour deux types d’applications: l’alimentation et la propulsion. 

Cette puissance disponible dans l’espace pourrait permettre l’alimentation de systèmes orbitaux, de bases-vie, ou encore de data-centers dans l’espace.

Le microréacteur nucléaire spatial permet deux types de propulsion : nucléothermique (NTP) et électrique (NEP). La NTP (poussée forte, durée faible), permettrait de doter un satellite d’une très grande manœuvrabilité et réduirait les temps de trajet par 2 voir 3. La NEP (poussée faible, durée longue), elle est utile pour les sondes d’exploration.

Un sujet loin d’être du XXIè siècle…

  • Aux Etats-Unis : Dans le cadre du programme SNAP, les modèles à numéro pair sont des réacteurs nucléaires spatiaux. Le projet SNAP 10A fut lancé en 1965 à bord du satellite SNAPSHOT de l’US Air Force. Il devait démontrer la faisabilité d’un usage de réacteurs nucléaires dans l’espace. Le satellite est toujours en orbite terrestre. Depuis, les États-Unis n’ont pas lancé de réacteur nucléaire dans l’espace.
  • En URSS : L’Union soviétique a développé les réacteurs BE5 durant les années 1960, afin de fournir de l’électricité à leurs satellites de surveillance océanique RORSAT.À partir de 1974, tous les satellites RORSAT utilisent des réacteurs nucléaires. Au moins 31 BE5 et deux réacteurs TOPAZ fonctionnant à l’uranium235 hautement enrichis ont été lancés en orbite

Nouvelles tendances et redynamisation du sujet avec l’exploration spatiale

Au Royaume-Uni : 

L’entreprise anglaise Rolls Royce a dévoilé un concept de réacteur nucléaire spatial, présenté à l’IAC 2022 à Paris. L’entreprise a signé un contrat pour une étude avec l’Agence spatiale du Royaume-Uni. Elle souhaite capitaliser sur son expertise de SMR terrestres pour entrer sur le marché du spatial.

Aux EtatsUnis :

  • Memorandum on the National Strategy for Space Nuclear Power and Propulsion (Space Policy Directive-6)
  • participation du secrétaire à l’Énergie au National Space Council
  • Executive Order on Promoting Small Modular Reactors for National Defense and Space Exploration: En janvier 2021, l’administration américaine publie une décision présidentielle encourageant l’usage de petits réacteurs modulaires dans les domaines spatial et défense.

En Chine :

  • En 2017, la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) a publié sa feuille de route technologique pour l’exploration spatiale, qui inclut des vaisseaux nucléaires à l’horizon 2040.
  • En 2022, d’après de nombreux médias, un prototype de réacteur à fission d’une puissance d’un mégawatt aurait passé un seuil de revue critique.

Recommandations

1) Envoi d’un signal politique fort permettant de faire émerger un écosystème power-newspace dont le marché sera garanti par la commande publique

2) Mise en place un groupe de travail nucléaire spatial dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie interministérielle 2040 (Bercy, MESRI, Minarm, SGDSN)

3) Mise en place d’un GT technique “microréacteur électronucléaire spatial” entre CNES, CEA, ministère des Armées (CDE, DGA, EMA) et pilotage à présidence tournante

Le temps joue contre nous ! 

Pour rattraper le retard et entrer dans la course, la France doit élaborer une stratégie nucléaire spatiale d’ici 2026 et prendre le virage du “powerspace” avant d’être déclassée à l’échelle mondiale 

L’objectif clé

Faire de la France la batterie de l’Europe d’ici 2040