Comment l’Inde a-t-elle transformé son programme spatial en un levier de puissance technologique et géopolitique ? Quels sont ses ambitions, ses succès et ses défis à venir ? Les GT vous proposent leur analyses pour décrypter la place grandissante de l’Inde dans le paysage spatial international.
Par le GT Gouvernance
Résumé
La stratégie spatiale de l’Inde a évolué depuis les années 1960, passant d’un programme centré sur des objectifs de développement national à un ambitieux programme spatial couvrant l’exploration scientifique, l’innovation technologique, les applications commerciales, et la sécurité nationale.
Historique et objectifs initiaux
Le programme spatial indien a été lancé en 1969 avec la création de l’Indian Space Research Organisation (ISRO). Initialement axé sur le développement de technologies de communication et d’observation pour lutter contre la pauvreté et améliorer les services publics, le programme s’est progressivement diversifié pour inclure des projets d’exploration planétaire et d’autonomie technologique.
Les premières étapes comprenaient le lancement de satellites pour les télécommunications et la météorologie (Ariane Passenger Payload Experiment, 1981) et le développement de lanceurs nationaux (SLV, PSLV, GSLV), qui ont permis à l’Inde de réduire sa dépendance vis-à-vis des puissances étrangères.
Institutions et structures de gouvernance
Le programme spatial indien est principalement dirigé par l’ISRO, sous la tutelle du Département de l’Espace (DoS) et du Bureau du Premier ministre. Avec la montée des besoins commerciaux et sécuritaires, d’autres organismes ont été créés :
NewSpace India Ltd (NSIL) : entreprise publique en charge de la commercialisation des technologies d’ISRO et des services de lancement.
IN-SPACe : agence facilitant l’accès des entreprises privées aux installations d’ISRO pour développer l’industrie spatiale nationale.
Defence Space Agency(DSA) : organisation militaire chargée des opérations spatiales de défense et de la coordination avec les forces armées.
Projets à long terme et exploration scientifique
L’Inde s’est positionnée comme un acteur majeur de l’exploration spatiale à bas coût :
Exploration lunaire (Chandrayaan): Chandrayaan-1 (2008) a confirmé la présence de glace d’eau sur la Lune, tandis que Chandrayaan-3 (2023) a réussi un atterrissage au pôle Sud, un site stratégique.
Chandrayaan-3 (2023). (Source : Isro)
Exploration martienne et solaire: Mangalyaan-1 (2014) a fait de l’Inde le premier pays à réussir une mission vers Mars dès sa première tentative. La mission solaire Aditya-L1 (2023) étudie le climat spatial et les éruptions solaires.
Aditya-L1. (Source : FILE)
Programme habité Gaganyaan: L’Inde prévoit d’envoyer ses premiers astronautes en orbite terrestre et de lancer sa propre station spatiale vers 2030.
Systèmes de navigation et satellites d’observation : NavIC, un système de navigation autonome couvrant l’Inde et ses frontières, et les séries Cartosat et Risat, pour l’observation terrestre, renforcent l’autonomie et la sécurité.
Financement et ouverture au secteur privé
L’Inde maintient un budget relativement modeste pour son programme spatial (environ 1,9 milliard USD), mais maximise son impact par des missions peu coûteuses et une stratégie commerciale. NSIL gère les contrats internationaux de lancement et la vente de services satellitaires, tandis qu’IN-SPACe permet aux entreprises indiennes et étrangères d’accéder aux installations et technologies d’ISRO, stimulant le secteur privé avec des startups comme Skyroot Aerospace.
Volet militaire et défense spatiale
La stratégie spatiale indienne comporte une dimension militaire essentielle pour répondre aux défis de sécurité régionale :
Satellites de surveillance : Cartosat, Risat,et EMISAT sont utilisés pour la surveillance des frontières et le renseignement militaire.
Capacités anti-satellite: Avec la mission Shakti en 2019, l’Inde a démontré sa capacité à détruire des satellites en orbite basse, intégrant ainsi la défense spatiale à sa doctrine militaire.
Coopérations internationales: L’Inde collabore avec les États-Unis, la France, et ses partenaires du Quad pour la surveillance de l’espace, la gestion des débris et la sécurité de ses infrastructures.
Dans quel contexte la Chine développe-t-elle sa stratégie spatiale ? Quels sont ses objectifs et ses ambitions dans ce domaine ? Les GT mettent à votre disposition leurs analyses pour mieux comprendre le positionnement de la Chine sur la scène spatiale internationale.
Par le GT Gouvernance
Résumé
La stratégie spatiale chinoise combine exploration scientifique, ambitions économiques et objectifs militaires. Grâce à des programmes comme Chang’e (lune) et Beidou (satellites), elle vise à devenir un acteur majeur indépendant, soutenue par des partenariats public-privé, une coopération internationale sélective et des avancées technologiques.
Introduction
La stratégie spatiale chinoise n’est pas à négliger ni à sous-estimer. Ces dernières années ont montré une capacité d’interférence dans l’espace et le déploiement d’éléments de puissance.
Objectifs stratégiques
Les ambitions chinoises peuvent être regroupées autour de ces quatre éléments reliant exploration scientifique et conquête spatiale. Elle développe un programme lunaire par les missions Chang’e. Elle développe progressivement un programme pour Mars. L’observation de la Terre (OT) passe par son programme satellitaire Gaofen. Il vise à déployer un système de télédétection global pour surveiller les terres agricoles, l’environnement et les eLets du changement climatique. Des activités d’ordre militaire peuvent être eLectuées. La sécurité nationale chinoise par l’espace et pour l’espace repose sur des satellites militaires (télécoms sécurisées), la technologie ASAT et son système de reconnaissance Beidou. Sur le plan de l’économie spatiale, il est nécessaire de comprendre que les programmes lunaires chinois visent à terme à créer des mines lunaires pour extraire de l’hélium-3.
Cadre institutionnel et politique
Toute la politique spatiale chinoise est organisée autour d’un complexe d’institutions gouvernementales, d’agences publiques, d’entreprises d’État et d’acteurs privés. On retrouve la CNSA (China National Space Administration), la CMC (Commission militaire centrale), la CASC (China Aerospace Science and Technology Corporation), la CASIC (China Aeropsace Science and Industry Corporation), la SASTIND (State Administration for Science, Technology and Industry for National Defense). Depuis 2014, la Chine accentue une coordination avec le secteur privé en soutenant des start-ups. Des entreprises comme i-Space, LandScape et OneSpace naissent (lanceurs, petits satellites, télécoms et observation de la Terre). Des PPP (partenariats public-privé) oLrent un mécanisme de subvention en soutien technologique et infrastructures. Elles collaborent donc avec la CASC ou la CASIC. Les estimations portent le budget à 26 milliards de $ en 2023. Pour les sources de financement, le Gouvernement central investi par des plans quinquennaux, les PPP (encourageant les collaborations commerciales), les investissements privés (investisseurs chinois ou étrangers), par des accords bilatéraux dans le cas de la Belt and Road Initiative (Afrique, Amérique latine, Asie pour la mise en orbite de satellites).
Coopération internationale
Sur ce point, la Chine développe une approche plutôt coopérative comme base de déploiement de ses activités, favorisant alors une croissance domestique (en cours et à venir).
Avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) :
Presque le premier partenaire occidental. L’ESA a coopéré pour des missions d’exploration lunaire et martienne, notamment pour la mission Chang’e-4, ainsi que des missions d’observation des planètes, le suivi des missions interplanétaires. Pour Mars, l’ESA a fourni une aide au suivi de la mission Tianwen
Les deux acteurs partagent des données concernant l’observation de la Terre pour les océans et le changement climatique.
Avec la Russie :
La coopération la plus ancienne et mouvementée. les deux veulent réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Occident. Les deux pays annoncent en 2021 leur partenariat pour l’ILRS (International Lunar Research Station), une alternative à la Station Gateway occidentale. Avec d’autres pays en développement :
Avec l’Afrique et l’Amérique latine :
La Chine les a aidés à lancer leurs propres satellites, notamment avec le Nigeria, le Venezuela et l’Éthiopie. Dans la zone Asie-Pacifique : c’est le cas du Pakistan et de la Thaïlande.
Avec les Etats-Unis :
Une coopération très limitée en raison du Wolf Amendment de 2011. De fait, la Chine ne peut pas participer à l’ISS. Ceci a poussé la Chine à accélérer son indépendance.
Deux éléments clés vecteurs de coopération : la station spatiale Tiangong et le programme ILRS (International Lunar Research station).
Modélisation 3D de la station spatiale chinoise Tiangong. (Source : Shujianyang, CC BY SA)
Capacités technologiques et industrielles
La Chine dispose d’un arsenal d’atout. Elle possède ses propres sites de lancement, d’une gamme de lanceurs variée avec une capacité à développer de nouvelles technologies applicables domestiques (propulsion innovante, exploration robotique et IA).
Les sites de lancement :
Jiuquan (LEO),
Xichang (GEO),
Taiyuan (OP = orbite polaire),
Wenchang (missions lunaires, orbites géostationnaires et interplanétaires).
Principales installations spatiales de la Chine (Source : AFP)
Les lanceurs appartiennent à la famille Chang Zheng dit aussi fusée Longue Marche (CZ 1 à CZ-10 aujourd’hui, avec parfois des sous familles comme CZ-4B et CZ-4C pour des orbites basses et héliosynchrones). Des lanceurs privés émergent comme Jielong (Smart Dragon) et Gushenxing (Ceres). La CASC et CASIC sont les entreprises d’État responsables des chaines de production de lanceurs, satellites et systèmes connexes. Des entreprises privées tentent d’intégrer le secteur très étatisé, comme LandSpace (lanceur Zhuque), i-Space (lanceur Hyperbola) et OneSpace (lanceurs commerciaux).
Résultats et performances
La Chine montre ses réussites. Elles concernent le vol habité non plus à bord de capsule ou fusée mais de sa station spatiale. Également, des missions de ravitaillement de la station démontrant une capacité chinoise à le faire et développer des techniques plus complexes à l’avenir en fonction des besoins. Concernant les missions d’exploration planétaire, il s’agit d’une croissance. La Chine rattrape son retard notamment en étant la troisième puissance à être parvenu à se poser sur Mars de manière fonctionnelle. Le programme lunaire Chang’e est surement la clé qui démontre toutes les capacités technologiques de la Chine dans le domaine de l’exploration spatiale. Par ceci, la Chine devient capable d’imposer des normes technologiques et juridiques. Sa réussite repose aussi sur ses satellites. Le système Beidou pour le GPS, le système Gaofen pour l’observation de la Terre, et le projet Hongyan pour lutter contre Starlink de SpaceX.
Réglementation et cadre légal
La Chine dispose d’un bon cadre légal pour les activités spatiales, mais il n’est pas aussi poussé que le modèle américain ou européen. La Chine respecte le traité de 1967 (principes généraux), de 1972 (responsabilité), 1976 (immatriculation). Elle n’a pas signé et ne respecte pas le traité de 1979 sur la Lune (comme les USA et l’URSS-Russie). L’organisation du cadre légal ne se fait pas pour l’instant par le biais de lois, mais de directive ou de règlements ministériels. La sécurité spatiale ou sécurité dans l’espace est une priorité grandissante pour les Chinois, en raison de l’importance de son système satellitaire dans les communications, la surveillance militaire et la navigation. Des règlements régissent la sécurité des lancements, le suivi des objets spatiaux et la protection des infrastructures spatiales contre menaces potentielles (naturelles ou humaines). Le sujet des collisions en orbite préoccupe aussi la Chine face à un encombrement de l’espace de plus en plus notoire. Sur ce point, la Chine n’a pas d’autres choix que de participer à des collaborations avec d’autres pays et initiatives multilatérales. Elle se questionne sur la responsabilité des objets spatiaux, la gestion des débris (a pris un tournant voyant les conséquences de son dernier tir ASAT de 2007 = tech. auto-désorbitation et système de capture de débris), la sécurité dans l’espace (jonction équilibriste entre civil et militaire, suivi des objets, et initiatives multilatérales). Via le COPUOS (ONU), elle contribue aux discussions sur la prévention des conflits spatiaux, la gestion des ressources spatiales et la collaboration internationale. De plus, elle adhère aux normes internationales établies dans un cadre onusien pour réduire et gérer le problème des débris spatiaux bien que ses lois nationales soient très incomplètes sur la question. Sur le sujet de la régulation de l’espace, la Chine n’est pas très encline à travailler durement en raison des restrictions et de l’hostilité américaine.
Développement durable et impact environnemental
Depuis les réactions de son dernier tir antisatellite de 2007 et une surpopulation factuelle dans l’espace, la Chine a décidé d’adopter des mesures. D’abord, elle cherche a adopté des missions plus sures avec de nouveau protocole comme le désorbitage des étages de fusées. Elle développe au sol des moyens de surveillance du trafic satellitaire en orbite et autre objet. Elle participe davantage aux discussions internationales. Dans le cadre de ses enjeux, elle mise sur plusieurs technologies clés pour l’avenir du secteur. Dans les technologies de mitigation on retrouve des systèmes de désorbitation automatique, des tech. de capture de débris, la récupération des débris par des satellites dédiés actifs en orbite. Au niveau réglementaire, des normes nationales (d’origine internationale, principalement onusienne) ont été imposées aux acteurs publics et privés chinois pour des obligations de limitation de création de débris spatiaux et d’assurer la sécurité des lancements des opérations en orbite. Ce n’est qu’un élément entrant dans le domaine du développement durable car toute la stratégie pour l’exploration et l’exploitation des ressources spatiales se retrouvent confrontées à ces problèmes basaux. Pour l’exploitation minière des astéroïdes et de la Lune, le plan s’intègre dans une ambition à réduire la dépendance de la Chine vis-à-vis des ressources terrestres, faisant d’elle un acteur pouvant faire la pluie et le beau temps sur ce marché dans l’avenir. Dans le programme Chang’e, l’objectif principal est l’exploitation de l’hélium-3 pour accéder à la fusion nucléaire et créer une base permanente sur notre satellite naturel. Le pays cherche aussi à extraire des minerais d’astéroïdes. Un tel programme nécessite de nombreuses nouvelles technologies, dont les principales se regroupent à travers des systèmes robotiques avancés, des technologies de propulsions plus eLicaces comme les propulsions nucléaires et électriques ainsi que des technologies de traitement de ressources (matériaux extraits en produits utilisables, oxygène, eau et métaux). Dans ce prisme de l’exploration, les obstacles sont aussi internationaux. La coopération internationale fait face à des lacunes juridiques du fait de l’absence de la Chine des signatures de l’accord sur la Lune de 1979. Son projet ILRS avec la Russie vise donc à créer une nouvelle échelle de normes applicables à la Lune. Actuellement, la Chine est en train de conduire l’élaboration de corpus réglementaires sur ce sujet d’exploitation de ressources minières dans l’espace, tout en favorisant l’implication d’entreprises privées dans le secteur, avec une étatisation du contrôle de l’activité. Origin Space en fait partie.
Engagement du secteur privé
En Chine, il existe un soutien gouvernemental croissant pour encourager les start-ups et l’innovation dans le secteur spatial, bien que la structure de cette industrie soit différente de celle des États-Unis, notamment en ce qui concerne la relation entre le gouvernement et les entreprises privées.
Capacités de défense et de sécurité
Le programme spatial chinois intègre des éléments liés à la défense, notamment en ce qui concerne la surveillance par satellite, la cybersécurité spatiale et le développement de systèmes de défense antisatellite. La Chine a développé un vaste réseau de satellites de surveillance et d’observation. Ces satellites sont utilisés non seulement pour des applications civiles, mais également pour des missions de renseignement militaire. Des systèmes comme le réseau de satellites Yaogan sont spécifiquement conçus pour les missions militaires, y compris l’intelligence de surveillance et la reconnaissance. La cybersécurité est devenue un enjeu crucial pour la Chine, surtout dans le contexte de l’interdépendance croissante entre les systèmes spatiaux et les technologies de l’information.
Éducation, recherche et innovation
La Chine investit massivement dans la formation de nouvelles générations de scientifiques, d’ingénieurs, et de chercheurs dans le domaine spatial. Ce programme de formation est soutenu par une collaboration active entre les universités, les centres de recherche, et les agences gouvernementales, ce qui permet de former des experts capables de répondre aux besoins croissants du secteur spatial chinois. Pour se faire, la Chine a développé plusieurs programmes d’enseignement supérieur et écoles techniques pour former des spécialistes dans le domaine spatial. Parmi ces initiatives, on trouve :
Diplômes spécialisés : nombreuses universités comme l’Université Tsinghua, l’Université de Pékin, et l’Université de l’Aéronautique et de l’Espace de Pékin, proposent des programmes de maîtrise et de doctorat spécifiquement axé sur l’ingénierie spatiale, la science des matériaux, et l’astrophysique.
Instituts de recherche : L’Institut de technologie de l’espace et de l’aéronautique de l’Université de Pékin et d’autres instituts spécialisés jouent un rôle clé dans la formation des étudiants et la recherche dans le domaine spatial.
Aussi, la Chine encourage également les programmes d’échange avec d’autres pays afin de permettre à ses étudiants d’acquérir des compétences et des connaissances internationales. Les universités et les centres de recherche jouent un rôle central dans le développement de technologies spatiales. En Recherche appliquée (RA), les universités collaborent avec des agences gouvernementales comme la CNSA et des entreprises d’État pour mener des recherches appliquées dans des domaines tels que la propulsion, les systèmes de communication par satellite, et la robotique spatiale.
Dans quel contexte évolue la France en matière de spatial ? A quels défis sommes nous confronté ? Les GT vous proposent leurs notes de synthèse pour mieux comprendre le paysage spatial actuel.
Par le GT Gouvernance
La politique spatiale française est largement associée à la politique spatiale européenne qui repose sur la coopération entre plusieurs 3 entités majeures : le CNES (Centre National d’Études Spatiales), l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et l’Union Européenne (avec l’EUSPA, agence pour le programme spatial de l’UE).
Le CNES est en charge de l’implémentation et d’une partie de la conception de la politique spatiale française. Le CNES contribue aussi activement à la politique spatiale européenne en tant qu’agence nationale la plus importante de l’UE et de l’ESA. Ses missions incluent :
Planification et exécution des programmes nationaux : développement de satellites, lanceurs comme Ariane (en collaboration avec l’ESA), et projets scientifiques nationaux. Exclusivité sur les programmes sécuritaires.
Innovation technologique : développement de technologies spatiales, notamment dans l’observation de la Terre, les télécommunications et la navigation.
Collaboration internationale :
Avec l’ESA : participation à des programmes européens et intermédiation entre la France et l’ESA pour défendre les priorités françaises ;
Avec des agences mondiales : partenariats bilatéraux avec la NASA, l’ISRO, CNSA, … (fin des partenariats avec Roscosmos depuis 2022)
L’ESA est l’agence spatiale européenne regroupant 22 États membres (dont certains non-membres de l’UE). Elle constitue le principal acteur européen pour les programmes spatiaux multilatéraux. Elle peut aussi implémenter les programmes spatiaux nationaux des États membres ne possédant pas d’agence nationale.
Mission et financement :
L’ESA est financée par ses États membres et par l’UE, sur la base de contributions volontaires et obligatoires.
Ses priorités incluent la science spatiale, les vols habités, les lanceurs, l’observation de la Terre, la navigation et les télécommunications.
Compétences principales :
Développement de grands programmes européens : lanceurs Ariane et Vega, et missions européennes comme Rosetta et Gaia, …
Recherche scientifique et R&D : Centre technologique de l’ESA à Noordwijk
Relation avec l’UE :
L’ESA collabore avec l’UE pour exécuter des programmes phares comme Galileo (système de navigation) ou Copernicus (observation de la Terre).
L’UE est impliquée dans la politique spatiale depuis les années 2000, avec l’article 189 du TFUE qui officialise la politique spatiale comme une compétence partagée. L’agence pour le programme spatial de l’UE (EUSPA) est chargée de l’implémentation de ses programmes.
Objectifs politiques :
Assurer l’autonomie stratégique de l’Europe dans l’espace.
Renforcer l’innovation, la compétitivité industrielle et la durabilité.
Soutenir les priorités sociétales : sécurité, environnement, économie numérique.
Programmes majeurs :
Galileo : le système de positionnement par satellites européen, concurrent du GPS.
Copernicus : programme d’observation de la Terre pour surveiller l’environnement et gérer les crises.
Espace sécurisé : initiatives pour la surveillance spatiale (SSA) et la défense spatiale.
Télécoms : GOVSATCOM, IRIS²
Relations institutionnelles :
L’UE travaille avec l’ESA via des accords de partenariat : elle finance en partie les missions de l’ESA pour les programmes spécifiques.
Elle agit également comme un acteur politique en définissant les grandes priorités stratégiques (EU Space Law incoming…)
Dans quel contexte la République tchèque développe-t-elle sa politique spatiale ? Quels sont ses objectifs et ses ambitions dans ce domaine ? Les GT vous proposent leurs notes de synthèse pour mieux comprendre le paysage spatial actuel.
Par le GT Gouvernance
Résumé
La République tchèque renforce son ambition spatiale en développant ses capacités industrielles, scientifiques et technologiques. Sans agence nationale, elle s’appuie sur l’ESA et des coopérations internationales. Son programme « Česká cesta do vesmíru » vise une mission spatiale nationale d’ici cinq ans. Le pays investit dans la recherche, l’innovation et la défense tout en soutenant le secteur privé. Il s’engage aussi dans la durabilité avec la gestion des débris spatiaux. Ces initiatives visent à accroître sa visibilité et son rôle dans l’industrie spatiale européenne.
Objectifs stratégiques
Les activités spatiales en République tchèque sont depuis leurs origines principalement étatiques, industrielles et scientifiques (sciences spatiales, technologies spatiales, navigation, télécommunications par satellite, observation de la Terre, etc.) Les priorités nationales tchèques concernant l’espace se trouvent dans le Plan spatial national 2020-2025. Ce dernier répertorie les points clés du programme spatial tchèque qui a pour objectif premier de renforcer les capacités spatiales du pays. Cela passe notamment par le renforcement des synergies et complémentarités entre le milieu industriel et universitaire tchèques, afin d’accroître la compétitivité, et d’accélérer les transferts de technologies et de connaissances entre ces deux milieux.
Cadre institutionnel et politique
Les activités spatiales en République tchèque sont gérées depuis 2011 par le Ministère des Transports. Pour ce faire, il a mis en place un Conseil de Coordination des activités spatiales organisé en plusieurs comités transversaux dont l’un des objectifs est notamment d’assurer une interface entre l’industrie et le monde universitaire. Aussi, le pays ne possède pas d’agence spatiale nationale au même titre que d’autres nations spatiales.
Coopérations internationales
Le spatial en République tchèque passe majoritairement par l’ESA. Le pays se considère comme le “cerveau et le cœur de l’industrie spatiale européenne et des applications satellitaires“. Il accueille depuis 2021 l’EUSPA qui assure la responsabilité de la gestion opérationnelle et de l’exploitation des systèmes de constellations européens (EGNOS, Galileo, Copernicus). Un second siège devrait bientôt ouvrir à Prague à partir de 2025. La République tchèque a également signé plusieurs accords bilatéraux par exemple avec la France (CNES). Elle a aussi rejoint les accords Artémis en 2023 tout en rappelant son rôle et son implication dans le domaine spatial, notamment en tant qu’acteur majeur de la recherche spatiale. Il y a une réelle volonté de mieux et de davantage s’insérer sur la scène spatiale internationale et d’y incarner une position active pour accroître sa visibilité tout en renforçant ses coopérations bilatérales en particulier avec les pays européens. Le pays démontre une volonté d’une plus grande considération de ses capacités aux côtés des autres puissances tout en restant en partenariat.
Capacités techniques et industrielles
La République tchèque dispose d’une grande excellence dans le domaine des sciences spatiales. Elle a par exemple participé à la mission SWARM ou encore au développement des lanceurs Ariane 5 et Ariane 6. Depuis 2019, les entreprises tchèques sont notamment reconnues comme membres des chaînes d’approvisionnement internationales pour la production de lanceurs, de satellites et de segments terrestres. En revanche, elle ne possède pas de site de lancement, passant ainsi par des coopérations avec l’ESA ou les États-Unis pour mettre en orbite ses propres satellites ou spationautes. Elle est aussi engagée dans le domaine de l’exploration spatiale comme avec la mission VZLUSAT-1 dont le but était d’examiner les qualités d’un bouclier radiatif visant ensuite à être employé pour la création d’habitations sur la Lune et sur Mars en les préservant des radiations.
La République tchèque a affiché de nouvelles ambitions dans le spatial en annonçant allouer 275 millions de couronnes tchèques, soit environ 11 millions d’euros, supplémentaires par an aux programmes de l’ESA pour une participation totale estimée à 62 millions d’euros. Si les investissements sont majoritairement publics, le pays a exprimé sa volonté de stimuler les investissements privés.
En juin 2024, la République tchèque a lancé son nouveau programme spatial Česká cesta do vesmíru (« Voyage tchèque dans l’espace ») consistant en la réalisation d’une mission tchèque dans l’espace d’ici cinq ans. Ce programme passe par le développement de technologies spatiales grâce à la coopération des secteurs commercial, éducatif et scientifique. Deux nouvelles missions spatiales ont également été annoncées, à savoir AMBIC (ambitious czech satellite) et QUVIK (Quick ultra-Violet Kilonovae Serveyor). L’objectif est de renforcer la position du pays et de ses entreprises dans le domaine spatial, même si l’ESA reste le principal instrument de développement de l’industrie spatiale tchèque.
Réglementation et cadre légal
La République tchèque est signataire du Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes de 1967.
Développement durable et impact environnemental
L’observation de la Terre fait partie des prérogatives du spatial tchèque. Aussi, la question des débris est assez présente dans sa politique spatiale. Le pays a par exemple rejoint le programme ClearSpace en 2020, soit la première mission de dépollution spatiale. Il y a également une mise en avant dans le Plan spatial national du développement de capacités pour la gestion et le suivi des débris (lasers, etc.), bien que le cadre reste majoritairement celui de l’UE ou de l’ESA.
Engagement du secteur privé
La République tchèque encourage le développement du secteur privé et de startups tout en favorisant les synergies avec le public, afin de renforcer ses capacités spatiales et encourager les innovations. En 2016, la Tchéquie a par exemple fondé ESA BIC Prague un programme d’incubations, de suivis et de soutiens (financier, techniques, etc.) aux jeunes entreprises innovantes liées aux activités spatiales. En 2019, le pays a lancé ESA BIC Brno, deuxième plus grande ville du pays, témoignant ainsi de cette volonté de soutenir le secteur privé pour le spatial.
Capacités de défense et de sécurité
Si la politique spatiale tchèque est principalement axée autour d’aspects scientifiques, elle connaît ces dernières années une forme de redynamisme ou de « mise à jour » au vu de la dégradation du contexte géopolitique, avec une orientation plus marquée autour des enjeux de défense et de sécurité. En 2018, le Centre satellitaire de la République tchèque (CZE SATCEN) a ainsi été créé. Il s’agit d’un département intégré à la structure du renseignement militaire tchèque. Le pays a également reconnu officiellement l’importance du spatial comme champ conflictuel. Elle a ainsi mis en avant l’aspect essentiel des images satellitaires et de l’IA pour le secteur militaire.
Éducation, recherche et innovation
La formation de nouvelles générations de scientifiques, d’ingénieurs et de chercheurs est au cœur de la politique spatiale tchèque. Susciter l’intérêt des nouvelles générations pour l’espace extra-atmosphérique est un axe central notamment représenté par la mise en place d’un ensemble d’expositions comme en 2020 avec Cosmos Discovery à Prague traitant de l’histoire de la conquête spatiale. Organisée en collaboration avec la NASA, le Musée Cosmosphere au Kansas et le Centre d’Éducation de Prague, cette exposition visait à inspirer les jeunes et les orienter dans cette voie, tout en s’adressant aux adultes de tous âges. La figure d’Aleš Svoboda, astronaute tchèque de réserve, qui serait le deuxième Tchèque à aller dans l’espace après Vladimir Remek, premier Tchécoslovaque à y être allé en 1978, revient à plusieurs reprises dans les discours pour engager l’intérêt de la population. L’usage de symboles fait aussi parti de cette stratégie, comme avec l’envoi de Hurvínek, la célèbre marionnette tchèque aimée des plus petits dont une réplique a été envoyée à bord du satellite Planetum 1 en 2022, onze ans après l’envoi de la célèbre Petite Taupe Krteček, à bord du vaisseau spatial Endeavour. Le programme Česká cesta do vesmíru selon le ministre des Transports Martin Kupka devrait également participer à susciter l’intérêt des plus jeunes pour l’étude des domaines scientifiques et techniques.
A l’occasion du grand forum BIG organisé par BPI France, Sabrina Barré, co-fondatrice et présidente d’ASTRES, partagera les réflexions du groupe de travail Energie et Espace sur le sujet “Le nucléaire, nouvelle frontière de l’espace ?”. Elle interviendra aux côtés d’experts du domaine spatial.