Les compétences spatiales de l’Union Européenne, de l’ESA et du CNES

Dans quel contexte évolue la France en matière de spatial ? A quels défis sommes nous confronté ? Les GT vous proposent leurs notes de synthèse pour mieux comprendre le paysage spatial actuel.

Par le GT Gouvernance

La politique spatiale française est largement associée à la politique spatiale européenne qui repose sur la coopération entre plusieurs 3 entités majeures : le CNES (Centre National d’Études Spatiales), l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et l’Union Européenne (avec l’EUSPA, agence pour le programme spatial de l’UE).


Le CNES est en charge de l’implémentation et d’une partie de la conception de la politique spatiale française. Le CNES contribue aussi activement à la politique spatiale européenne en tant qu’agence nationale la plus importante de l’UE et de l’ESA. Ses missions incluent :

  • Planification et exécution des programmes nationaux : développement de satellites, lanceurs comme Ariane (en collaboration avec l’ESA), et projets scientifiques nationaux. Exclusivité sur les programmes sécuritaires.
  • Innovation technologique : développement de technologies spatiales, notamment dans l’observation de la Terre, les télécommunications et la navigation.
  • Collaboration internationale :
    • Avec l’ESA : participation à des programmes européens et intermédiation entre la France et l’ESA pour défendre les priorités françaises ;
    • Avec des agences mondiales : partenariats bilatéraux avec la NASA, l’ISRO, CNSA, … (fin des partenariats avec Roscosmos depuis 2022)

L’ESA est l’agence spatiale européenne regroupant 22 États membres (dont certains non-membres de l’UE). Elle constitue le principal acteur européen pour les programmes spatiaux multilatéraux. Elle peut aussi implémenter les programmes spatiaux nationaux des États membres ne possédant pas d’agence nationale.

  • Mission et financement :
    • L’ESA est financée par ses États membres et par l’UE, sur la base de contributions volontaires et obligatoires.
    • Ses priorités incluent la science spatiale, les vols habités, les lanceurs, l’observation de la Terre, la navigation et les télécommunications.
  • Compétences principales :
    • Développement de grands programmes européens : lanceurs Ariane et Vega, et missions européennes comme Rosetta et Gaia, …
    • Gestion des infrastructures spatiales européennes : centres d’opérations spatiales, CSG, …
    • Recherche scientifique et R&D : Centre technologique de l’ESA à Noordwijk
  • Relation avec l’UE :
    • L’ESA collabore avec l’UE pour exécuter des programmes phares comme Galileo (système de navigation) ou Copernicus (observation de la Terre).

L’UE est impliquée dans la politique spatiale depuis les années 2000, avec l’article 189 du TFUE qui officialise la politique spatiale comme une compétence partagée. L’agence pour le programme spatial de l’UE (EUSPA) est chargée de l’implémentation de ses programmes.

  • Objectifs politiques :
    • Assurer l’autonomie stratégique de l’Europe dans l’espace.
    • Renforcer l’innovation, la compétitivité industrielle et la durabilité.
    • Soutenir les priorités sociétales : sécurité, environnement, économie numérique.
  • Programmes majeurs :
    • Galileo : le système de positionnement par satellites européen, concurrent du GPS.
    • Copernicus : programme d’observation de la Terre pour surveiller l’environnement et gérer les crises.
    • Espace sécurisé : initiatives pour la surveillance spatiale (SSA) et la défense spatiale.
    • Télécoms : GOVSATCOM, IRIS²
  • Relations institutionnelles :
    • L’UE travaille avec l’ESA via des accords de partenariat : elle finance en partie les missions de l’ESA pour les programmes spécifiques.
    • Elle agit également comme un acteur politique en définissant les grandes priorités stratégiques (EU Space Law incoming…)

La politique spatiale de la Tchéquie

Dans quel contexte la République tchèque développe-t-elle sa politique spatiale ? Quels sont ses objectifs et ses ambitions dans ce domaine ? Les GT vous proposent leurs notes de synthèse pour mieux comprendre le paysage spatial actuel.

Par le GT Gouvernance

Résumé

La République tchèque renforce son ambition spatiale en développant ses capacités industrielles, scientifiques et technologiques. Sans agence nationale, elle s’appuie sur l’ESA et des coopérations internationales. Son programme « Česká cesta do vesmíru » vise une mission spatiale nationale d’ici cinq ans. Le pays investit dans la recherche, l’innovation et la défense tout en soutenant le secteur privé. Il s’engage aussi dans la durabilité avec la gestion des débris spatiaux. Ces initiatives visent à accroître sa visibilité et son rôle dans l’industrie spatiale européenne.

Objectifs stratégiques

Les activités spatiales en République tchèque sont depuis leurs origines principalement étatiques, industrielles et scientifiques (sciences spatiales, technologies spatiales, navigation,  télécommunications par satellite, observation de la Terre, etc.) Les priorités nationales tchèques  concernant l’espace se trouvent dans le Plan spatial national 2020-2025. Ce dernier répertorie les points clés du programme spatial tchèque qui a pour  objectif premier de renforcer les capacités spatiales du pays. Cela passe notamment par le  renforcement des synergies et complémentarités entre le milieu industriel et universitaire  tchèques, afin d’accroître la compétitivité, et d’accélérer les transferts de technologies et de  connaissances entre ces deux milieux. 

Cadre institutionnel et politique

Les activités spatiales en République tchèque sont gérées depuis 2011 par le Ministère  des Transports. Pour ce faire, il a mis en place un Conseil de Coordination des activités spatiales  organisé en plusieurs comités transversaux dont l’un des objectifs est notamment d’assurer une  interface entre l’industrie et le monde universitaire. Aussi, le pays ne possède pas d’agence  spatiale nationale au même titre que d’autres nations spatiales. 

Coopérations internationales

Le spatial en République tchèque passe majoritairement par l’ESA. Le pays se considère  comme le “cerveau et le cœur de l’industrie spatiale européenne et des applications satellitaires“. Il accueille depuis 2021 l’EUSPA qui assure la responsabilité de la gestion opérationnelle et de  l’exploitation des systèmes de constellations européens (EGNOS, Galileo, Copernicus). Un  second siège devrait bientôt ouvrir à Prague à partir de 2025. La République tchèque a  également signé plusieurs accords bilatéraux par exemple avec la France (CNES). Elle a aussi rejoint les accords Artémis en 2023 tout en rappelant son rôle et son implication dans le domaine  spatial, notamment en tant qu’acteur majeur de la recherche spatiale. Il y a une réelle volonté  de mieux et de davantage s’insérer sur la scène spatiale internationale et d’y incarner une  position active pour accroître sa visibilité tout en renforçant ses coopérations bilatérales en  particulier avec les pays européens. Le pays démontre une volonté d’une plus grande considération de ses capacités aux côtés des autres puissances tout en restant en partenariat. 

Capacités techniques et industrielles

La République tchèque dispose d’une grande excellence dans le domaine des sciences  spatiales. Elle a par exemple participé à la mission SWARM ou encore au développement des lanceurs Ariane 5 et Ariane 6. Depuis 2019, les entreprises tchèques sont notamment reconnues  comme membres des chaînes d’approvisionnement internationales pour la production de  lanceurs, de satellites et de segments terrestres. En revanche, elle ne possède pas de site de  lancement, passant ainsi par des coopérations avec l’ESA ou les États-Unis pour mettre en orbite ses propres satellites ou spationautes. Elle est aussi engagée dans le domaine de  l’exploration spatiale comme avec la mission VZLUSAT-1 dont le but était d’examiner les qualités d’un bouclier radiatif visant ensuite à être employé pour la création d’habitations sur la Lune et sur Mars en les préservant des radiations.

Nanosatellite tchèque VZLUSAT-1. (Source : Portail spatial tchèque)

Résultats et performances

La République tchèque a affiché de nouvelles ambitions dans le spatial en annonçant  allouer 275 millions de couronnes tchèques, soit environ 11 millions d’euros, supplémentaires  par an aux programmes de l’ESA pour une participation totale estimée à 62 millions d’euros. Si les investissements sont majoritairement publics, le pays a exprimé sa volonté de stimuler  les investissements privés.  

En juin 2024, la République tchèque a lancé son nouveau programme spatial Česká cesta  do vesmíru (« Voyage tchèque dans l’espace ») consistant en la réalisation d’une mission  tchèque dans l’espace d’ici cinq ans. Ce programme passe par le développement de technologies spatiales grâce à la coopération des secteurs commercial, éducatif et scientifique. Deux  nouvelles missions spatiales ont également été annoncées, à savoir AMBIC (ambitious czech satellite) et QUVIK (Quick ultra-Violet Kilonovae Serveyor). L’objectif est de renforcer la  position du pays et de ses entreprises dans le domaine spatial, même si l’ESA reste le principal  instrument de développement de l’industrie spatiale tchèque.

Réglementation et cadre légal 

La République tchèque est signataire du Traité sur les principes régissant les activités  des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes de 1967.

Développement durable et impact environnemental 

L’observation de la Terre fait partie des prérogatives du spatial tchèque. Aussi, la  question des débris est assez présente dans sa politique spatiale. Le pays a par exemple rejoint le programme ClearSpace en 2020, soit la première mission de dépollution spatiale. Il y a également une mise en avant dans le Plan spatial national du développement de capacités pour  la gestion et le suivi des débris (lasers, etc.), bien que le cadre reste majoritairement celui de l’UE ou de l’ESA.

Engagement du secteur privé

La République tchèque encourage le développement du secteur privé et de startups tout  en favorisant les synergies avec le public, afin de renforcer ses capacités spatiales et encourager  les innovations. En 2016, la Tchéquie a par exemple fondé ESA BIC Prague un programme  d’incubations, de suivis et de soutiens (financier, techniques, etc.) aux jeunes entreprises  innovantes liées aux activités spatiales. En 2019, le pays a lancé ESA BIC Brno, deuxième plus  grande ville du pays, témoignant ainsi de cette volonté de soutenir le secteur privé pour le  spatial.

Capacités de défense et de sécurité

Si la politique spatiale tchèque est principalement axée autour d’aspects scientifiques,  elle connaît ces dernières années une forme de redynamisme ou de « mise à jour » au vu de la  dégradation du contexte géopolitique, avec une orientation plus marquée autour des enjeux de  défense et de sécurité. En 2018, le Centre satellitaire de la République tchèque (CZE SATCEN)  a ainsi été créé. Il s’agit d’un département intégré à la structure du renseignement militaire tchèque. Le pays a également reconnu officiellement l’importance du spatial comme champ conflictuel. Elle a ainsi mis en avant l’aspect essentiel des images satellitaires et de l’IA pour le  secteur militaire.

Éducation, recherche et innovation 

La formation de nouvelles générations de scientifiques, d’ingénieurs et de chercheurs  est au cœur de la politique spatiale tchèque. Susciter l’intérêt des nouvelles générations pour  l’espace extra-atmosphérique est un axe central notamment représenté par la mise en place d’un  ensemble d’expositions comme en 2020 avec Cosmos Discovery à Prague traitant de l’histoire  de la conquête spatiale. Organisée en collaboration avec la NASA, le Musée Cosmosphere au  Kansas et le Centre d’Éducation de Prague, cette exposition visait à inspirer les jeunes et les  orienter dans cette voie, tout en s’adressant aux adultes de tous âges. La figure d’Aleš Svoboda,  astronaute tchèque de réserve, qui serait le deuxième Tchèque à aller dans l’espace après Vladimir Remek, premier Tchécoslovaque à y être allé en 1978, revient à plusieurs reprises  dans les discours pour engager l’intérêt de la population. L’usage de symboles fait aussi parti  de cette stratégie, comme avec l’envoi de Hurvínek, la célèbre marionnette tchèque aimée des  plus petits dont une réplique a été envoyée à bord du satellite Planetum 1 en 2022, onze ans  après l’envoi de la célèbre Petite Taupe Krteček, à bord du vaisseau spatial Endeavour. Le  programme Česká cesta do vesmíru selon le ministre des Transports Martin Kupka devrait  également participer à susciter l’intérêt des plus jeunes pour l’étude des domaines scientifiques  et techniques.

Encourager l’investissement spatial privé

Pierre Letellier, Antoine Chesne, Juin 2023

Elon Musk, Jeff Bezos. Ces deux noms résonnent aujourd’hui comme les symboles du New Space américain. Pourtant, les deux plus grandes fortunes d’Amériques ne sont pas nées dans l’industrie spatiale. Ayant fait originellement fait fortune dans les services au e-commerce (PayPal pour Musk, Amazon pour Bezos), c’est à la fois par vision et opportunité qu’ils se sont emparés du secteur spatial et l’ont dynamisé. Une telle success story serait-elle possible en France ? Nous ne manquons pas de milliardaires rivalisant, mais leur intérêt pour l’innovation et la technologie demeure faible. Alors, comment inciter les investisseurs privés, particuliers et fonds, à faire affluer leurs capitaux dans le spatial ?

Créer des mesures incitatives fiscales

L’outil fiscal doit être utilisé pour diriger les capitaux privés vers les technologies et les innovations présentant un fort intérêt stratégique et de souveraineté. L’Espace, par ses différentes composantes (imagerie, télécommunications, IoT, exploration, transport & logistique, fabrication en orbite…) pourrait en bénéficier.

La recommandation

Les autorités fiscales sont à mobiliser pour abaisser le taux effectif d’imposition. Nous suggérons : 

  • De bâtir une fiscalité dégressive du capital investi selon la durée du projet industriel pour s’adapter aux conditions de développement du spatial.
  • de faciliter la mise en place de fonds de placements permettant de répartir le risque des capitaux investis dans un “pool” d’acteurs émergents.

Le secteur spatial pourrait prendre pour modèle la finance verte et ses méthodes pour flécher les investissements vers les technologies et les industries de la transition énergétique. En particulier on soulignera le rôle des placements pour particulier (comme le Livret de Développement Durable, 142.2 Md€ déposés au 31 mai 2023) ou les obligations vertes dont bénéficient les entreprises. Il serait possible de les transposer en faveur d’autres secteurs stratégiques comme le spatial.

Limites / points d’attention

Le problème de cette stratégie, selon l’OCDE (2015), la réduction de la charge fiscale a peu d’effet sur l’investissement car l’incitation fiscale ne remédie pas les défaillances directement, ne demande pas de sortie de fonds pour des subventions etc. Quand bien même dans une industrie spatiale internationale le pays au taux le plus faible pourrait être avantagé, cela risque de créer un phénomène de surenchère dont tout le pays pâtirait. Il faut alors poser la question de l’évaluation des coûts et avantages de cette politique d’incitation ; ainsi qu’une mise à l’échelle européenne de cette approche pour éviter la compétition. L’UE investit d’ores et déjà dans le succès des startups par le biais de la commande publique (10-30% de d’IRIS² doit être à destination de contractants startups ou de moyennes entreprises du spatial). L’approche par la taxation est donc à moduler avec les autres approches présentées dans cette note de réflexion.

Chiffre clé : “10 percentage point increase in the corporate income tax rate lowering FDI by 0.45 percentage point of GDP” 

Assurer la visibilité par la commande publique

La “vallée de la mort” désigne dans le capital-risque la période de danger pour les startups entre les levées de fonds et la rentabilité. Dans le secteur spatial, cette vallée est particulièrement large, ce qui freine les investisseurs craignant le manque d’assurance sur les revenus à long-terme.

La recommandation

  • Nous proposons de repenser les mécanismes de commande publique pour assurer davantage de visibilité sur les revenus pour les acteurs du New Space. Plutôt que de multiplier les contrats public-privés, avec des budgets alloués annuellement, nous proposons une programmation plus longue et des contrats cadres fléchant les revenus à horizon 5 à 10 ans. 

Une idée serait également de  faire signer une charte d’engagement sur la durée des contrats de commande publique. En échange de contrats sur le plus long-terme, les institutions (ex : CNES) peuvent demander la possibilité d’un droit de regard plus extensif sur la direction du projet, et notamment invoquer un droit de retrait à mi-parcours en cas d’échec industriel. La mesure ne doit pas remettre en cause les principes de concurrence et les avantages qui en sont tirés par l’Etat. De façon cohérente, pour soutenir le tissu du news pace et ses investisseurs, ces grandes commandes sur le long terme doivent leur être en partie adressées. A l’image de la constellation IRIS² : 30% des contrats doivent être attribués à des PME, afin d’éviter la monopolisation des ressources par les géants satellitaires (Airbus, TAS, OHB), des lanceurs (ArianeGroup) et des télécom (EutelSat, SES, Hispasat…).

Limites / points d’attention

Ce type de contrat de long-terme existe déjà au sein de l’ESA, mais dans le New Space européen il a été mis en oeuvre dans des pays dont les géants du secteurs n’accaparent pas l’essentiel des commandes publiques. On citera en Suisse Clearspace, championne des retraits de débris orbitaux, qui bénéficient d’un contrat en trois étapes avec l’ESA. Clearspace bénéficie en grande partie du retour géographique des montants investis par la Suisse au sein de l’ESA. L’essentiel des montants investis par la France dans l’ESA allant à nos filières lanceurs et satellites lourds, il faut veiller à un équilibre entre grands groupes et PME pour assurer que les innovations de rupture puissent émerger et s’industrialiser grâce aux contrats cadres et la commande publique.

Impliquer les clients finaux du spatial

Notre goût du risque n’est peut-être pas le même en Europe qu’outre-Atlantique ; un effort culturel est à construire dans le domaine financier pour que les investisseurs non-initiés alimentent le secteur. 

In the U.S., the risk appetite is far greater. Investors are often open to entrepreneurs whose early venture has failed because they are seen as better for the first-hand experience. It’s okay to fail and try again, and so it’s okay to lose money at times.” “”Aux États-Unis, le goût du risque est beaucoup plus grand. Les investisseurs sont souvent ouverts aux entrepreneurs dont la première entreprise a échoué, parce qu’ils sont considérés comme plus compétents du fait de leur expérience directe. Il n’y a pas de mal à échouer et à réessayer, et il n’y a donc pas de mal à perdre de l’argent de temps en temps.”

La recommandation

Développer des programmes d’éducation des investisseurs et des mécanismes de soutien pour éduquer les entreprises de l’industrie non spatiale sur le secteur, ses rendements potentiels et les stratégies d’atténuation des risques.

Cela inclurait des workshops, des programmes de mentorat et des ressources en ligne pour accroître la confiance et les connaissances des investisseurs. 

D’accroître la relation entre clients finaux des applications spatiales et le secteur amont spatial en encourageant les partenariats stratégiques entre New Space et partenaires à la fois investisseurs et clients.

Pour cela, on ne peut qu’encourager les acteurs du New Space et leurs leveurs de fonds à adapter leur stratégie de recherche de financements aux clients finaux non-spatiaux. Il faut aller chercher les investisseurs là où se situe la création de valeur du spatial : parmi les clients des applications, et les associer plus en amont aux développement de l’infrastructure capable de produire les données qu’eux même utilisent.

Limites / points d’attention 

Ces mesures sont utiles pour essaimer l’information et créer des passerelles, mais ne suffisent pas compte-tenu des différences de cultures (compréhension de la technologie, rapport au risque…) entre le New Space et les clients finaux non-spatiaux. L’émergence de licornes et d’applications à succès seraient les meilleurs moyens pour convaincre les clients finaux d’investir dans le spatial.


Sources

Prévenir et réguler notre empreinte cosmique 

L’Homme a fait ses premiers pas sur la Lune il y a déjà plus de 50 ans. Aujourd’hui, les challenges technologiques sont nombreux et les nouveaux projets et expériences scientifiques dans le deep space éclosent, tandis que l’accès à l’espace est de plus en plus simple, que ce soit dans le public ou dans le privé. Avec plus de 5000 satellites actifs lancés dans l’espace jusqu’à fin 2021 et plus de 10 tonnes de matériaux terrestres sur la surface de Mars, une question se pose: Que laissons-nous comme traces de notre passage dans le système solaire et au-delà et comment ne pas créer de malentendus dans les siècles à venir ? 

Notre empreinte cosmique, comment la réguler ?

Amener l’Homme sur d’autres planètes apporte des problématiques de contamination mais aussi de management de déchets ou de systèmes ayant terminé leur mission. Notre “empreinte cosmique” doit être régulée afin d’anticiper de potentiels problèmes futurs.

  • Un registre procédural mis à jour régulièrement pourrait être implémenté afin de garder une trace des comportements humains atteignant le deep space et une définition stricte des niveaux de stérilisation pourrait être prise en compte pour chaque objet quittant notre planète. 
  • Par ailleurs, aucune loi concernant la colonisation contrôlée d’autres astres n’a été promulguée pour le moment, qu’elle soit humaine ou robotique. Il serait pertinent de travailler sur une proposition de loi française et européenne pour encadrer la colonisation des astres par des institutions publiques ou privées sur des aspects de préservation de l’environnement, d’exploitation et de juridiction sur place.

L’exploration humaine d’autres planètes peut paraître lointaine mais une réflexion sur les aspects mentionnés ci-dessus serait en mesure d’anticiper les potentiels chassé-croisés et d’impliquer les instances gouvernementales compétentes.

Sources

  • Dan, R. “Quand Le Capitalisme Se Rêve Un Destin Cosmique.” Lvsl.fr – Tout Reconstruire, Tout Réinventer, 8 Jan. 2022, lvsl.fr/quand-le-capitalisme-se-re%CC%82ve-un-destincosmique/#:~:text=En%202020%2C%201%20283%20satellites
  • “Liste Des Objets Artificiels Sur Mars.” Wikipedia, 29 Apr. 2023, fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_objets_artificiels_sur_Mars#:~:text=2%20Liste
  • “Large scales ?” SpaceEthics.org, www.spaceethics.org/

Obtenir un accès autonome aux vols habités 

Lisa Wong, Juin 2023

Assurer un accès autonome aux vols habités

Les feuilles de route de l’exploration spatiale tracent des chemins très similaires dans la plupart des grandes agences spatiales nationales. Ils prennent leur envol depuis l’orbite terrestre basse (LEO) jusqu’à Mars, en passant par notre astre le plus proche : la Lune. La maîtrise des technologies en orbite basse est capitale car elle permet à une puissance spatiale de pouvoir prétendre à organiser les prochaines étapes. 

L’accès de l’Homme à l’espace serait favorable à l’économie nationale. Dans un premier temps, cela créerait des emplois à forte valeur ajoutée. De plus, une économie spatiale mondiale autour de l’exploration humaine est en train de se mettre en place avec notamment des nouveaux services à fort intérêts financiers et logistiques. Par ailleurs, il s’agit dans un même temps de créer de l’engouement chez les jeunes générations et de perpétuer cette économie sur le long-terme.

Alors quels sont les ingrédients essentiels pour un vol habité autonome en LEO ? Un lanceur, une capsule habitée, certainement une station spatiale pour étudier les comportements humains sur du long-terme et la capacité de ravitaillement. Malheureusement, la recette est incomplète pour l’Europe, malgré quelques éléments français.

Le rapport du High Level Advisory Group, comprenant les réflexions stratégiques des acteurs industriels, des gouvernements, des universités et de la société civile, souligne ce retard et invite vivement à concentrer les ressources sur la création d’une autonomie européenne durant la prochaine décennie. 

Concrètement, quelles sont les problématiques actuelles concernant ce sujet ?

Concrètement, quelles sont les problématiques actuelles concernant ce sujet ? Contrairement aux deux plus grandes puissances spatiales, la France a peu d’héritage et de projet concret en cours sur les systèmes de vols habités comme les capsules, permettant l’accès habité à l’espace, ou les stations spatiales contribuant aux études scientifiques nécessaires au progrès technologique du vol spatial habité. L’Europe, via son programme Terrae Novae, commence doucement à se mettre en route pour participer aux projets internationaux, mais met à nouveau de côté l’aspect d’autonomie. 

En manque de budget et de stratégie disruptive, les projets ambitieux dans le cadre de cet accès doivent être supportés technologiquement, juridiquement et financièrement par les instances publiques avec un poids politique fort. Pourtant, la France et l’Europe ont des acquis non négligeables tels que l’ATV, véhicule de type cargo ou encore les contributions fortes dans les programmes de l’ISS avec Colombus, et d’Artemis avec le module de service d’Orion.

Recommandations

Allouer un budget plus conséquent à l’exploration spatiale humaine afin de créer un engouement pour développer ces technologies, définir une zone d’action française dans la roadmap européenne et de supporter les projets déjà en cours tels que le véhicule Susie d’ArianeGroup, le airbus Loop ou encore la capsule Nyx de The Exploration Company. Pour comparaison, les Etats-Unis allouent 50% du budget spatial civil dans les vols habités contre 10 à 15% pour l’Europe. 

Une stratégie de communication sur les besoins urgents à développer, à destination des industriels et des start-up, doit être intégrée à la stratégie française sur l’exploration spatiale. En mai 2023, l’ESA a lancé une invitation à proposer des services de transport type cargo, destinée aux entreprises spatiales européennes. La France doit pousser son industrie spatiale à s’investir dans ces projets.

Sources

Créer des laboratoires pour les ressources spatiales

Thomas Delhon, Juin 2023

L’exploitation des ressources spatiales 

Notre ère marque une transition majeure dans l’exploration spatiale. L’émergence du Newspace, caractérisée par une multitude d’acteurs privés innovants, a ouvert de nouvelles perspectives pour l’exploitation des ressources spatiales. Ces ressources comprennent de l’eau, des métaux, de l’oxygène et d’autres matières premières présentes sur la Lune, les astéroïdes et autres corps célestes. Les avantages potentiels de l’exploitation de ces ressources sont nombreux, allant du ravitaillement en orbite pour les missions spatiales à l’alimentation des industries terrestres en éléments rares.

Cependant, pour que ces possibilités profitent pleinement à la France, il est impératif de renforcer les capacités de recherche, de développement et d’innovation dans ce domaine. C’est dans ce cadre que nous recommandons l’établissement d’un centre national d’études sur les ressources spatiales, qui pourrait permettre à la France d’être un leader du domaine.

Objectifs et fonctionnement 

Ce centre national d’études sur les ressources spatiales pourrait être un organisme multidisciplinaire rassemblant des experts de divers domaines tels que la géologie, la physique, la chimie, l’astrophysique, et l’ingénierie spatiale. Ses principaux objectifs seraient les suivants :

  • Recherche et développement : Le laboratoire mènerait des études approfondies sur les caractéristiques des ressources spatiales, leur abondance, leur distribution géographique et leurs applications potentielles. Les chercheurs développeraient de nouvelles technologies et méthodes pour l’exploration, l’extraction et l’utilisation efficaces de ces ressources.
  •  Innovation technologique : Le laboratoire favoriserait la collaboration entre les acteurs industriels, les universités et les centres de recherche afin de stimuler l’innovation et de développer de nouvelles technologies adaptées à l’exploitation des ressources spatiales. Des partenariats public-privé seraient encouragés pour accélérer la mise sur le marché de ces innovations.
  • Formation et sensibilisation : Le laboratoire jouerait un rôle central dans la formation des futurs experts du secteur des ressources spatiales. Des programmes éducatifs seraient développés en collaboration avec les universités et les établissements d’enseignement supérieur afin de former une nouvelle génération de scientifiques et d’ingénieurs spécialisés dans ce domaine émergent.
  • Coordination et soutien : Le laboratoire servirait de plateforme centrale pour la coordination des activités liées aux ressources spatiales au sein de l’écosystème Newspace français. Il faciliterait les échanges de connaissances, la collaboration entre les différentes parties prenantes et le soutien aux startups et aux entreprises dans la mise en œuvre de leurs projets.

La création d’un centre national d’études sur les ressources spatiales renforcerait considérablement la position de la France en tant qu’un des leaders mondiaux dans le domaine de l’exploitation des ressources spatiales. En investissant dans la recherche et le développement de technologies innovantes, la France serait en mesure de capitaliser sur les opportunités économiques et scientifiques offertes par l’exploitation des ressources extraterrestres. En travaillant de concert (startups, groupes industriels, partenaires publics…), nous pourrions ouvrir de nouvelles frontières et transformer l’industrie spatiale française en un moteur d’innovation et de croissance durable.

Soutien européen pour maîtriser le refueling

Thomas Delhon, Juin 2023

L’avenir de l’exploration spatiale Européen : le refueling

L’avenir de l’exploration spatiale dans notre système solaire dépend de notre capacité à maîtriser le ravitaillement (plus connu sous l’anglicisme “refueling”) d’ergols en orbite, une technologie qui pourrait transformer l’écosystème spatial dans son ensemble. C’est pourquoi nous recommandons que l’Europe accélère son soutien à ces technologies pour rester compétitive sur la scène mondiale.

Pourquoi le ravitaillement en orbite est-il si important ? 

Il allonge la durée de vie d’un satellite, ce qui permet d’offrir ses services plus longtemps. Dans leur vie, les avions sont ravitaillés en moyenne 40 000 fois, les voitures 750 fois, tandis que les satellites ne sont jamais ravitaillés jusqu’à présent : la valeur ajoutée du ravitaillement en orbite est donc considérable sur le plan économique, en plus de contribuer significativement à un espace davantage durable qu’aujourd’hui. En effet, selon certaines estimations, plus de 1000 tonnes de fluides pourraient être ravitaillées chaque année d’ici 2040.

Le ravitaillement en orbite peut prendre plusieurs formes. Le ravitaillement de fluides classiques implique le remplissage des réservoirs de véhicules spatiaux avec des gaz qui n’ont pas de grandes contraintes thermiques. Par exemple, de nombreux satellites utilisent de l’hydrazine pour effectuer des manœuvres orbitales. Cependant, la propulsion électrique remplace progressivement la propulsion à hydrazine, et le xénon devrait être la molécule la plus utilisée pour le ravitaillement en orbite terrestre.

Le ravitaillement cryogénique, en revanche, concerne le ravitaillement en oxygène, hydrogène, ou encore méthane liquide, qui nécessitent tous des températures très basses. Ces fluides sont largement utilisés dans les lanceurs, dont le ravitaillement sera nécessaire pour atterrir et décoller de la Lune, et peut-être même de Mars et au-delà à l’avenir.

Les défis du ravitallement en orbite

Cependant, le ravitaillement en orbite présente plusieurs défis. 

  • Les véhicules spatiaux doivent s’aligner de manière précise et stable pour permettre le transfert efficace des gaz. 
  • Le transfert de carburant présente des risques pour la sécurité des astronautes et des vaisseaux spatiaux, et les technologies doivent être mises au point pour minimiser ces risques. 
  • De plus, le développement de ces technologies est souvent trop coûteux pour être porté par un unique acteur, et les connaissances sont encore trop rares sur le sujet.

La NASA a pris conscience de l’importance du ravitaillement en orbite et a récemment attribué plus de 370 millions de dollars à des entreprises pour développer des technologies relatives à la gestion des fluides cryogéniques. Cela témoigne d’un changement de paradigme dans l’exploration spatiale, car le ravitaillement en orbite permettrait une plus grande réutilisabilité des fusées et l’utilisation de “remorqueurs” entre la Terre et la Lune.

Il est donc impératif que l’Europe suive le mouvement pour ne pas se laisser distancer, en soutenant le développement de ces technologies, non seulement pour répondre aux besoins d’exploration spatiale, mais aussi pour rester compétitif sur la scène spatiale mondiale. Soutenir le ravitaillement en orbite pourrait accroître la compétitivité européenne et permettre de jouer un rôle plus important dans l’exploration spatiale.

Il est temps pour l’Europe de faire un pas en avant et de soutenir pleinement le développement du ravitaillement en orbite. C’est une étape cruciale vers une nouvelle ère d’exploration spatiale, et l’Europe ne doit pas rester à la traîne et se doit de se donner les moyens pour maîtriser technologie d’avenir.

Multiplier les Partenariats Public-Privé pour la cybersécurité spatiale

Anaïs Shay-Lynn VYDELINGUM, Juin 2023

Qu’est-ce que la cybersécurité spatiale ? 

Les systèmes spatiaux sont composés d’infrastructures qui existent dans l’espace suborbital ou extra-atmosphérique, des systèmes de contrôle au sol, y compris les installations de lancement. En Europe, la cybersécurité des systèmes spatiaux est définie dans les politiques et actes juridiques de l’Union européenne (cf. Tableau ci-dessous). Il n’y a pas de cadre législatif dédié à la cybersécurité des systèmes spatiaux commerciaux ou traitant des obligations des personnes morales concernant la cybersécurité spatiale. Après l’affaire KA-SAT en 2022, la reconnaissance par la directive NIS2 du caractère critique des infrastructures spatiales marque un tournant pour la cybersécurité spatiale. 

Législation européenne en matière de cybersécurité spatiale, par Anaïs Vydelingum

Un besoin accru en protection des systèmes spatiaux

Le domaine spatial est en pleine croissance eu égard au phénomène New Space sur lequel les institutions, notamment européennes, s’appuient pour élaborer les politiques spatiales. Le domaine cyber étant un terrain de conflictualité de plus en plus prééminent, il concerne également l’activité spatiale qui se fonde sur des infrastructures sécurisées et stratégiques, mais également sur des outils numériques. En France, voire en Europe, le premier constat est qu’il y a une lacune dans les solutions proposées en matière de cybersécurité spatiale.

Les besoins et la dépendance à l’égard des données spatiales et des services et capacités satellitaires augmentent de manière exponentielle, ce qui attire l’attention des adversaires. Par exemple, dans le domaine de l’agrobusiness les satellites climatiques et météorologiques sont indispensables et constituent donc un point de vulnérabilité. Chaque étape du cycle de vie d’un satellite, de la conception et du développement à la fin de vie ou au déclassement, implique des services de technologie de l’information (TI), ce qui fait de la cybersécurité un élément crucial de l’écosystème spatial. Les complexités et les vulnérabilités à chaque étape du cycle de vie d’un satellite ou d’un engin spatial doivent être prises en compte pour maintenir la sécurité.

Lors du CYSAT 2023, le général ukrainien Oleksandr Potii est intervenu sur la sécurité du segment sol en Ukraine. Il a fait état du manque de moyens de l’armée ukrainienne pour protéger les infrastructures spatiales, face aux manœuvres russes qui visent à déstabiliser les infrastructures Starlink. Le CYSAT a été une occasion pour le général de s’adresser aux acteurs privés présents pour faire un appel d’offres, afin de pallier les manques de l’armée (cybersécurité pour les infrastructures spatiales, les terminaux utilisateurs, sécurité au travers de la cryptographie post-quantique…).

Du point de vue sécuritaire, la prise de conscience des risques et menaces cyber est manifeste au regard des activités spatiales commerciales et gouvernementales, à l’échelle européenne mais également internationale. C’est la raison pour laquelle la résilience fait partie des objectifs prioritaires dans l’innovation.

Le marché de la cybersécurité spatiale

Le secteur s’avère dynamique sous l’effet du phénomène New Space et se caractérise par l’apparition de TPE et PME spécialisées dans la cybersécurité aérospatiale. Sur le plan des contrats, les institutions sont particulièrement intéressées par les start-ups et souhaitent profiter des technologies disruptives qu’elles proposent dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). Toutefois, les industriels tels que Thales et Airbus continuent également de travailler à des solutions disruptives. OVH Cloud au travers de son programme “Startup Program” offre aux start-ups des crédits cloud gratuits et un support technique dans le but d’optimiser l’utilisation de leur cloud sécurisé et plus largement de soutenir le développement des start-ups. Enfin, les Etats-Unis promeuvent le partage d’informations pour faire face aux risques et menaces cyber dans le domaine spatial, au travers de SpaceISAC (Space Information Sharing and Analysis Center). Cette volonté est partagée par la Commission européenne qui va mettre en place un EU Space ISAC en 2023. 

L’arrivée de nouveaux entrants et la hausse des opportunités dans le domaine contribuent à faire de la cybersécurité spatiale un secteur stratégique très compétitif sur lequel il faut savoir se distinguer en proposant des solutions plus innovantes ou plus abouties. Toutefois, le marché reste fragmenté, ce qui peut constituer un avantage pour les acteurs les plus expérimentés. 

Défis

Le temps constitue un défi, puisque plusieurs puissances spatiales se sont déjà emparées du sujet et disposent de moyens conséquents. Eviter le déclassement stratégique est impératif et la sécurisation des capacités spatiales apparaît évidente au regard des ambitions spatiales françaises, des orientations politiques européennes et de la dépendance des activités civiles et militaires aux systèmes spatiaux. 

Recommandations

(1) Dans un contexte où l’industrie spatiale évolue vers un environnement hostile dans lequel les attaques cyber sont de plus en plus nombreuses, il faut créer une synergie entre les acteurs publics et privés pour protéger et défendre les systèmes spatiaux, au travers notamment de PPP. Pour le privé, faire affaire avec les institutions permettrait de rendre son activité stratégique, de garantir une activité le temps du contrat et d’entretenir un savoir-faire. Pour le public, un partenaire privé permet d’élargir le champ d’action, déléguer et ne pas se limiter au budget de l’administration.

(2) Investir dans la cybersécurité spatiale, c’est investir dans la sécurisation d’un secteur d’avenir. Or, ce secteur toujours en voie d’expansion nécessite plus d’investissements au regard de l’augmentation des besoins et des enjeux stratégiques liés à la sécurisation des données. L’espace étant dual, il serait opportun d’intégrer des équipes compétentes en cybersécurité spatiale à plusieurs domaines (militaire, civil, privé…). De plus, une rationalisation des moyens permettrait de créer une expertise française, au travers notamment de l’inclusion de la cybersécurité spatiale dans les prérogatives de l’ANSSI, ou de la création d’un EPIC dédié en incluant le CNES, ou encore de la création d’une plateforme de partage d’information.

(3) Aboutir à une stratégie nationale de cybersécurité spatiale d’ici 2025 à l’issue d’un groupe de travail produisant des écrits synthétiques en 1 an maximum. 


Sources

  • Falco, Gregory. (2018). Cybersecurity Principles for Space Systems. Journal of Aerospace Information Systems. 16. 1-10. 10.2514/1.I010693.
  • OIRIER, Clémence. The War in Ukraine from a Space Cybersecurity Perspective. ESPI Short Report. [S. l.] : European Space Policy Institute (ESPI), [S. d.].
  • Untersinger, Martin . “Guerre En Ukraine : La Russie Accusée d’Être Derrière La Cyberattaque Ayant Visé Le Réseau Du Satellite KA-SAT.” Le Monde.fr, 10 May 2022, www.lemonde.fr/pixels/article/2022/05/10/guerre-en-ukraine-la-russie-accusee-d-etre-derriere-la-cyberattaque-ayant-vise-le-reseau-du-satellite-ka-sat_6125513_4408996.html. 
  •  “Startup Program.” Startup.ovhcloud.com, startup.ovhcloud.com/en/ 
  • “EU Space Strategy for Security and Defence.” Defence-Industry-Space.ec.europa.eu, defence-industry-space.ec.europa.eu/eu-space-strategy-security-and-defence_en.

Se doter de satellites de communication quantique

Combler le fossé de la communication quantique : surmonter les difficultés de mise en œuvre pour un déploiement dans le monde réel

La communication quantique a fait l’objet d’une attention considérable en raison de son potentiel à révolutionner l’échange d’informations sécurisées. Bien que les progrès théoriques des protocoles de communication quantique aient été remarquables, la transition de ces concepts vers des moyens de communication pratiques et évolutifs présente des défis importants. Dans cet article, nous examinons les principaux problèmes liés à la mise en œuvre des technologies de communication quantique et explorons des solutions potentielles pour combler le fossé entre la théorie et le déploiement dans le monde réel.

Mise en œuvre pratique des systèmes de communication quantique

L’un des principaux obstacles à la communication quantique réside dans la mise en œuvre pratique de systèmes de communication quantique capables de fonctionner de manière fiable et efficace dans des conditions réelles. Traduire les cadres théoriques en technologies fonctionnelles implique de relever plusieurs défis majeurs.

Défis liés à la mise en œuvre de la communication quantique 

  • 1 – Fragilité des états quantiques : Les systèmes quantiques sont très sensibles aux bruits ambiants, ce qui rend difficile la préservation des états quantiques délicats nécessaires à une communication fiable. Des facteurs tels que les fluctuations de température, les interférences électromagnétiques et les vibrations mécaniques peuvent perturber la cohérence quantique, entraînant des erreurs et une réduction de la fidélité de la communication.
  • 2 – Intégration des composants quantiques : Le développement de systèmes de communication quantique intégrés et évolutifs implique de surmonter des obstacles technologiques. L’intégration efficace de divers composants, tels que les émetteurs quantiques, les mémoires quantiques, les détecteurs et les interfaces, pose d’importants défis techniques.
  • 3 – Gestion des canaux quantiques : L’établissement et le maintien de canaux de communication quantique à longue distance est une tâche complexe. L’atténuation des pertes et la préservation de la cohérence quantique sur de longues distances nécessitent des techniques et des infrastructures sophistiquées. Des facteurs tels que l’atténuation du signal, le rapport signal/bruit et l’impact de la décohérence quantique doivent être soigneusement gérés.
  • 4 – Correction quantique des erreurs : Les systèmes de communication quantique doivent intégrer des mécanismes de correction d’erreur pour atténuer les effets du bruit et de la décohérence. La mise en œuvre de codes et de protocoles de correction d’erreurs robustes, capables de détecter et de corriger efficacement les erreurs sans compromettre les avantages de la communication quantique en termes de sécurité, reste un défi de recherche permanent.

Nos recommandations

Cryptographie résistante aux quanta 

Si le perfectionnement des systèmes de communication quantique est une tâche complexe, il est tout aussi crucial d’explorer des solutions alternatives capables de résister à d’éventuelles attaques quantiques. Les algorithmes et protocoles cryptographiques résistants au quantum, tels que la cryptographie basée sur les treillis ou la cryptographie post-quantique, peuvent assurer une communication sécurisée dans un contexte classique jusqu’à ce que les technologies quantiques arrivent à maturité. L’investissement dans la recherche et les efforts de normalisation pour la cryptographie résistante au quantum peut garantir la sécurité à long terme des réseaux de communication classiques.

La combinaison des technologies de communication classiques et quantiques peut fournir des solutions pratiques et évolutives. Les approches hybrides exploitent les avantages de la communication quantique pour la distribution sécurisée des clés ou l’authentification, tout en utilisant les canaux classiques pour une transmission robuste des informations. En intégrant les capacités de communication quantique dans l’infrastructure classique existante, telle que les réseaux de fibres optiques, les approches hybrides offrent un tremplin vers des réseaux de communication quantique pleinement réalisés.

Les progrès continus en ingénierie et en science des matériaux peuvent contribuer au développement de dispositifs de communication quantique plus fiables et plus efficaces. Les efforts de recherche visant à améliorer la stabilité des émetteurs quantiques, à accroître les performances des mémoires quantiques et à mettre au point des détecteurs quantiques de haute qualité peuvent permettre de relever les défis technologiques liés à la mise en œuvre des systèmes de communication quantique. En outre, la miniaturisation et l’intégration des composants quantiques, tels que les sources de photons sur puce et les mémoires quantiques, peuvent conduire à des dispositifs de communication quantique pratiques et compacts.

Autrement, la mise en place d’une infrastructure de réseau quantique robuste et étendue est vitale pour le déploiement pratique de la communication quantique. Les investissements dans les répéteurs quantiques, les routeurs quantiques et les technologies de distribution de l’intrication quantique peuvent permettre la mise en place de réseaux de communication quantique à longue distance et à nœuds multiples. La recherche et le développement d’architectures de répéteurs quantiques efficaces, capables d’atténuer les effets de la perte de signal et de la décohérence, sont essentiels pour étendre la portée de la communication quantique sur des distances globales.

Surmonter les difficultés de la communication quantique nécessite une approche holistique. En explorant des solutions cryptographiques alternatives, en utilisant des approches hybrides, en investissant dans l’infrastructure des réseaux quantiques et en favorisant la collaboration et la normalisation, nous pouvons déployer la communication quantique à grande échelle, assurant un échange sûr et efficace d’informations. Cela ouvrira une nouvelle ère de communication fiable et sécurisée.

Sources 

  • Caltech’s Faculty. “What Is Entanglement and Why Is It Important?” Caltech Science Exchange, scienceexchange.caltech.edu/topics/quantum-science-explained/entanglement.
  • Gillis, Alexander S. “What Is Quantum Key Distribution (QKD) and How Does It Work?” SearchSecurity, 2022, www.techtarget.com/searchsecurity/definition/quantum-key-distribution-QKD.
  • Wikipedia Contributors. “Quantum Computing.” Wikipedia, Wikimedia Foundation, 27 Mar. 2019, en.wikipedia.org/wiki/Quantum_computing.
  • Ekert, A. K. (1991). Quantum cryptography based on Bell’s theorem. Physical Review Letters, 67(6), 661-663.
  • Lo, H. K., & Curty, M. (2012). Quantum key distribution. Nature Photonics, 8(8), 595-604.

Encourager l’approche Security by design

Bastien Coudray et Elisa Deschamps, Juin 2023

Security by design

Avec la nouvelle industrie spatiale, les mentalités changent. La conception et le développement des équipements spatiaux évoluent. Certaines entreprises du Newspace spécialisées n’hésitent pas à construire leur système à partir de zéro pendant que d’autres réutilisent la logique des solutions terrestres en l’améliorant pour l’espace. Il est parfois difficile de mettre à jour un logiciel, de refaire le développement d’application ou de revoir la conception du système afin de l’adapter en termes de sécurité.

Aujourd’hui, la tendance est beaucoup plus ouverte et plus moderne sur les sujets de la cybersécurité dans le spatial. La nouvelle économie émergente en provenance du Newspace apporte une approche sur l’adoption d’une sécurité dès la conception. L’idée est que la sécurité doit être prise en compte dès le départ. Ainsi, en étudiant les risques et les vulnérabilités dès le début du projet, ça permet de faire un plan d’évaluation des risques qui pourra être mise à jour à chaque fois qu’il y a une modification ou un changement dans la conception. Ce processus va permettre d’avoir un regard sur les conséquences du point de vue de la sécurité.

Nos recommandations

Dans l’industrie, il n’y a pas de solution miracle pour protéger les systèmes contre les cyberattaques qui exploitent les vulnérabilités. Beaucoup d’attaques dans le secteur spatial sont généralement dues à des mesures de sécurité qui ne sont pas mises en place et pas assez prises en compte à certains niveaux. Pour nous, l’approche de la sécurité dès la conception définit une assurance sur la sécurité durant toute la durée de vie du projet en comprenant les mesures de sécurité, la construction et la sécurisation des données. En suivant ces principes, le spatial peut s’assurer des bases solides et se projeter vers un avenir plus résilient. C’est pourquoi l’industrie du spatial doit faire les bons choix avant d’envoyer les équipements et aussi de prendre en compte les différentes étapes de cette approche. Voici quelques points importants à retenir :

  • Réalisation du plan de conception et d’évaluation de risque avec l’identification des actifs, la mise en place d’une analyse approfondie et un processus type de risque
  • Il est important de penser aux normes, aux certifications et au cadre européen.
  • On ne peut pas assurer la sécurité si on ne sait pas pourquoi on la met. Il faut absolument connaître les risques, les phases de développement ainsi que les phases d’exploitation liées aux clients.
  • On peut parler du Zero Trust, de défense en profondeur, de cyber range, de TTPs
  • Beaucoup d’attaques dans le secteur spatial sont généralement dues à des mesures de sécurité qui ne sont pas mises en place et pas assez prises en compte à certains niveaux.
  • Les audits de sécurité de code ou d’intrusion sont vitaux pour s’assurer de l’implémentation et du bon fonctionnement des mesures de sécurité.
  • La veille technologique du produit permet de garder le cap sur le cycle de vie du produit.