L’Alliance Stratégique des Étudiants du Spatial (ASTRES) est fière d’annoncer sa toute première participation au Paris Air Forum, événement de référence organisé par La Tribune, qui réunit les décideurs et experts des secteurs de l’aéronautique, du spatial, de la défense et de la tech.
À cette occasion, des membres d’ASTRES seront présents au CNIT Forest, à Paris La Défense, pour prendre part aux échanges, représenter la voix de la jeunesse engagée et contribuer aux réflexions sur l’avenir du spatial.
Cette invitation marque une étape importante dans la reconnaissance du rôle que peut jouer la nouvelle génération dans les discussions stratégiques autour des grandes transitions – technologiques, industrielles et écologiques – du secteur aérospatial.
La participation d’ASTRES s’inscrit dans un engagement fort : favoriser l’inclusion des jeunes talents et encourager une parole nouvelle, curieuse, et résolument tournée vers l’avenir du spatial européen.
Trois grands thèmes au cœur des échanges :
Aéronautique Dans un contexte de records de trafic aérien, le secteur fait face à des défis inédits : décarbonation, intégration de l’intelligence artificielle, tensions géopolitiques. Comment l’industrie peut-elle se transformer pour répondre aux attentes du monde de demain ?
Espace Le spatial européen se trouve à un tournant stratégique. Capacité de lancement, constellations, exploration : l’Europe doit repenser sa souveraineté spatiale. ASTRES sera présent pour faire entendre une voix jeune dans ces débats essentiels.
Défense Alors que le conflit est de retour sur le sol européen, l’heure est à la réinvention stratégique. Accélération des investissements, technologies de rupture, innovation : le Paris Air Forum questionne le futur de la sécurité européenne.
Informations pratiques
Paris Air Forum 2025
13 juin 2025 | 08:50 CEST – 17:35 CEST | CNIT Forest – La Défense, Puteaux Accès sur inscription via le site de l’événement
Une source stable d’énergie pour les missions longues
Les générateurs radioélectriques à radio-isotopes (RTG) produisent de l’électricité à partir de la désintégration naturelle d’un isotope radioactif. En se désintégrant, les atomes émettent de l’énergie sous forme de chaleur, qui est convertie en électricité par effet Seebeck à travers des couples thermoélectriques. Contrairement à un réacteur nucléaire, il n’y a pas de réaction en chaîne.
Les RTG permettent de produire de l’électricité indépendamment de l’environnement extérieur sur de très longues périodes : leur durée de vie dépend de la durée de demi-vie de l’isotope utilisé. Les RTG peuvent ainsi fonctionner de façon stable pendant plusieurs décennies sans ravitaillement, pour maintenir opérationnels les instruments embarqués.
Les RTG conviennent bien aux sondes interplanétaires, aux rovers, et à tout vaisseau devant fonctionner longtemps avec une puissance électrique modérée.En résumé, les RTG correspondent bien à l’adage italien “chi va piano va lontano”.
Le point faible des RTG est leur faible puissance massique (en W/kg), qui limite leur usage. Il n’est pas possible d’alimenter en électricité un vaisseau habité ou un radar actif avec un RTG. L’intérêt pour la propulsion électrique est aussi limité.
La première brique du nucléaire spatial
Les RTG ont été mis au point dans les années 1960, puis adoptés pour les premières missions d’exploration lunaires et interplanétaires. Depuis les sondes Pioneer et Voyager, toutes les sondes allant au-delà de la ceinture d’astéroïdes sont équipées de RTG (à cette distance le flux solaire est insuffisant pour alimenter correctement des panneaux solaires). Les RTG sont aussi prisés pour les atterrisseurs martiens car les panneaux solaires ont tendance à être recouverts de sable lors des tempêtes. Enfin, il est aussi possible d’utiliser des petits RTG à bord d’instruments embarqués : les astronautes du programme Apollo ont ainsi déposé des instruments de mesure sur la Lune dotés de RTG.
Le combustible
Il existe plusieurs isotopes pouvant être utilisés pour faire fonctionner du RTG. Les critères de choix sont la durée de demi-vie, la puissance massique (W/kg), et le niveau de rayonnement émis, pour protéger l’environnement proche on évitera des isotopes émettant un fort rayonnement gamma ou un flux de neutron trop fort par exemple. Les bons candidats sont répertoriés ci-dessous :
Jusqu’à présent, les sondes spatiales ont utilisé le Plutonium 238, disponible grâce aux programmes d’enrichissement militaire et qui constitue un bon compromis entre sa durée de vie et sa puissance tout en ayant un rayonnement peu dangereux et facile à neutraliser sans alourdir le système.
Une technologie indispensable mais à l’avenir incertain
Avec l’apparition de systèmes robotiques, d’outils de surveillance et de mesure sur la Lune, Mars ou les astéroïdes, les RTG seront indispensables pour assurer sur de longues périodes une fourniture d’électricité stable et sûre.
Mais paradoxalement, leur avenir est compromis par le manque de combustible disponible. Les stocks d’isotopes, principalement produits durant la guerre froide s’amenuisent et ne sont pas renouvelés. A très court terme, Etats-Unis et Russie devraient être en pénurie de Plutonium 238, tandis que les programmes nucléaires des autres pays n’ont pas permis d’en disposer en quantité suffisante.
Sans relancer les programmes nucléaires civils, notamment pour la recherche, l’exploration spatiale risque de ne pas pouvoir compter sur des RTG adaptés au-delà de 2030.
Quelle stratégie pour la France ?
La France, tout comme les autres pays européens, n’a jamais produit de RTG spatiaux. Mais plus que ses voisins, elle dispose de tout le savoir-faire nécessaire grâce à la filière nucléaire (CEA, Orano, TechnicAtome, etc…). A l’heure actuelle, l’ESA privilégie le développement de RTG à l’Americium 241, pouvant être produit facilement et à un coût raisonnable grâce aux usines de retraitement du plutonium (comme Mélox d’Orano à Marcoule). Après un premier programme lancé en 2009 et la validation du concept avec des pastilles tests, il est nécessaire de poursuivre les recherches pour disposer de RTG made in France à l’horizon 2030.
De plus, avec un site de lancement, Kourou, sur le territoire qui réduit la problématique de la prolifération sur Terre, la France doit avoir le leadership dans le domaine des RTG en Europe, en étant une alternative crédible aux Etats-Unis et à la Russie.
Recommandations
Accélérer les projets lancés par l’ESA d’un RTG basé sur l’Américium 241 pour disposer à l’horizon 2030 d’un générateur permettant l’exploration de l’espace lointain et les missions de longue durée à la surface des corps célestes (Lune, Mars…)
Sécuriser la disponibilité de l’Américium 241 en France : grâce à l’usine Mélox de Marcoule, la France est le seul pays d’Europe à pouvoir isoler facilement du Plutonium 241, qui se transforme en Americium 241 après quelques années. La France aura alors à moindre frais un quasi-monopole mondial des RTG une fois les stocks de Pu238 américains et russes épuisés
L’alimentation énergétique des appareils et infrastructures présents sur la Lune
La conquête spatiale reprenant sa course effrénée, la Lune redevient l’un des objectifs principaux de l’exploration spatiale. Deux tendances se dessinent : les États-Unis révèlent leur volonté d’installer des astronautes sur la Lune avec le programme Artémis, et la Chine affiche son désir de développer une base lunaire. L’Europe se positionne comme partenaire du Lunar Gateway, programmé par les États-Unis. La planification d’une présence durable sur la Lune est révélée et à terme sur Mars. Cela nécessite le déploiement de solutions énergétiques. Cette orientation soulève un enjeu majeur : l’alimentation énergétique des appareils et infrastructures présents sur la Lune. L’exploitation énergétique lunaire est confrontée à de nombreux défis qu’il est possible de mettre en lumière. Les contraintes liées à l’environnement lunaire constituent une difficulté : la poussière et la nuit lunaire qui correspond à 14 jours solaires (336 heures). Le coût est un obstacle majeur, l’envoi de matériaux sur la Lune étant extrêmement onéreux, une optimisation des matériaux est requise. 1 kilogramme envoyé équivaut à plusieurs centaines de milliers de dollars.
Trois dimensions principales sont à souligner pour une alimentation énergétique sur la Lune
La production d’énergie est possible sur notre satellite sous différentes formes. Une production nucléaire serait permise par les petits réacteurs modulaires. La filiale Rolls Royce SMR révèle la stratégie britannique de développer le nucléaire spatial. Par ailleurs, une production solaire est réalisable avec la construction de centrales solaires à la surface lunaire. Maana Electric est un acteur majeur projetant d’utiliser des ressources in situ pour la production de panneaux solaires. Ce projet est déjà en cours sur terre.
L’emploi de panneaux solaires en orbite est une alternative. Ces-derniers correspondent au Space Solar Based Power. Puis, le stockage de l’énergie doit répondre à la contrainte de la nuit lunaire. Celle-ci entraîne des conditions climatiques difficiles et un gradient extrême de températures pour les matériaux et le moyen de stockage. Un potentiel de développement de batteries existe et commence à être saisi par certains acteurs tels qu’Air Liquid.
Enfin, l’infrastructure et le transport sont le dernier défi à relever pour un développement énergétique lunaire. Ce transport peut être réalisé par câbles, entraînant la question du transport des matériaux ainsi que leur mise en place malgré les contraintes. Le projet Aurora-Connect a pour but d’élaborer des connecteurs spécifiques résistants à la poussière et sans genre, facilitant leur déploiement. Aussi, la distribution d’énergie sans fil est une autre possibilité avec un transport de l’énergie par ondes électromagnétiques en créant un lunar grid. Les startups EMROD et PowerLight projettent de développer cette technologie fondée sur le beaming. Selon la stratégie de la NASA, la transmission d’énergie sans fil sera adoptée à court et moyen terme, le temps de réaliser des câbles in-situ.
La France doit s’inscrire dans les défis d’énergie sur la Lune et affirmer sa place sur l’échiquier des Accords Artémis. La thématique de l’énergie sur la Lune est cruciale car elle constitue une force pour l’énergie sur Terre puis pour Mars. Les solutions disruptives développées pour la Lune ont un fort potentiel d’application pour la Terre qui nécessite des réponses innovantes.
Il est crucial qu’un signal politique fort soit porté sur les technologies énergétiques lunaires. Une feuille de route doit être dessinée pour donner une vision de la stratégie française et européenne pour l’exploration lunaire. Puis, une régulation de l’exploitation des ressources doit être affirmée, en particulier avec la prépondérance des acteurs commerciaux dans le domaine de l’énergie sur la Lune.
“It was quiet in the officer’s room of Solar Station #5, except for the soft purring of the mighty Beam Director somewhere far below”.“Le silence régnait dans la salle des officiers de la station solaire n° 5, à l’exception du doux ronronnement du puissant Beam Director, quelque part en bas.”
Isaac Asimov
En 1941, dans sa nouvelle Reason, Isaac Asimov imagine une station récoltant l’énergie solaire et la distribuant sur Terre et sur d’autres corps colonisés. 80 ans plus tard, les nations fortes du spatial multiplient les programmes à propos du Space-Based Solar Power et laissent à penser que cette nouvelle serait bien plus qu’une science-fiction. Des panneaux pour récolter l’énergie solaire, des ondes afin de la transporter sur Terre et un réseau d’antennes convertissant le tout en électricité, cela sans le recours aux énergies fossiles dans la phase d’opération. La recette est connue, des études d’un tel concept sont récurrentes à l’échelle de l’histoire du spatial : les crises pétrolières de la décennie 1970, puis la hausse exponentielle de la demande énergétique depuis la fin du siècle dernier ont poussé les agences spatiales et les organismes de défense à en étudier la faisabilité, à commencer par les Etats-Unis, mais pas seulement.
Quoique techniquement imaginable, la rentabilité économique était alors impensable. L’Advanced Concept Team de l’ESA concluait en 2008 qu’en Europe, la compétitivité d’un tel projet pourrait advenir à partir de 2025. 2025, soit la date où cette même ESA doit statuer sur un investissement pour le développement du SBSP, à la suite des travaux du programme SOLARIS, voté à la dernière ministérielle de 2022.
Deux facteurs expliquent l’emballement actuel à propos des projets de Space-Based Solar Power : la crise énergétique et la baisse du coût de l’accès à l’espace. Si le premier suffit à comprendre que la demande existe, le second est crucial en ce qu’il constituait, il y a encore quelques années, quelques mois, le point de blocage du SBSP. Construire une station solaire requiert plusieurs milliers de tonnes en orbite. A 10000 €/kg dans les années 90, cela ne pouvait être réaliste. Avec un prix de 200-1000 €/kg, cela l’est nettement plus.
Face à l’essor de tels projets aux quatre coins du globe, quelle doit être l’approche française ? Doit-elle s’inscrire dans une démarche collective européenne ? La spécificité du nucléaire français nous dispense-t-elle d’un tel investissement ? Les externalités spatiales et terrestres d’un tel programme seront-elles majeures ?
Source d’énergie abondante, pilotable et non-fossile, le SBSP est aussi un potentiel vecteur de la souveraineté énergétique européenne. Européenne, voilà qui est rare quand il est question de politique énergétique et encore plus de production. Si ces questions sont à la base même de la création et du développement de l’Union avec la CECA, il n’existe plus de consensus stratégique sur la question, en témoignent les débats sur la taxonomie verte et le nucléaire face au gaz. Un consensus à propos du SBSP peut relancer une dynamique positive entre voisins européens, à condition que l’Union Européenne soutienne le projet au plus tôt.
Certains pourraient avancer que, dotée du nucléaire, la France n’a pas d’intérêt dans ces projets, possédant déjà cette nécessaire baseload décarbonée. Cependant, l’électrification de nombreux secteurs ainsi que la politique française de mix énergétique nécessite différentes sources abondantes. Investir dans une seconde baseload, accompagnant l’éternel conflictuel nucléaire, est une sécurité impérative. De plus, le bénéfice français à tirer du SBSP ne se limite pas à l’électricité produite sur Terre.
Les externalités sont nombreuses. Le power beaming, ou la transmission d’énergie par ondes micro-ondes, est amené à se développer pour diverses applications, civiles et militaires : localités isolées sur Terre, alimentation en continue des aéronefs, alimentation de bases en orbite ou sur la Lune. Airbus est impliqué dans le développement de la technologie est pourrait devenir un leader du domaine. L’in-orbit servicing and assembly est également nécessaire à tout projet de SBSP et se duplique à de nombreuses applications duales terrestres, orbitales ou lunaires.
Enfin, un tel projet créerait une forte demande pour un lanceur super-lourd européen, une aubaine pour ArianeGroup ? S’inscrire dans une dynamique européenne de SBSP permettra donc à la France d’assurer sa sécurité énergétique bas-carbone et de tirer des bénéfices technologiques, stratégiques et économiques majeurs.
Les technologies citées plus haut, indispensable au déploiement du Space-Based Solar Power, sont aussi vecteur de souveraineté. C’est donc en investissant collectivement dans le Space-Based Solar Power qu’une souveraineté européenne deviendra possible, et inversement…
L’électricité générée par un microréacteur nucléaire spatial (Small Modular Reactor SMR) peut être utilisée pour deux types d’applications: l’alimentation et la propulsion.
Cette puissance disponible dans l’espace pourrait permettre l’alimentation de systèmes orbitaux, de bases-vie, ou encore de data-centers dans l’espace.
Le microréacteur nucléaire spatial permet deux types de propulsion : nucléothermique (NTP) et électrique (NEP). La NTP (poussée forte, durée faible), permettrait de doter un satellite d’une très grande manœuvrabilité et réduirait les temps de trajet par 2 voir 3. La NEP (poussée faible, durée longue), elle est utile pour les sondes d’exploration.
Un sujet loin d’être du XXIè siècle…
Aux Etats-Unis : Dans le cadre du programme SNAP, les modèles à numéro pair sont des réacteurs nucléaires spatiaux. Le projet SNAP 10A fut lancé en 1965 à bord du satellite SNAPSHOT de l’US Air Force. Il devait démontrer la faisabilité d’un usage de réacteurs nucléaires dans l’espace. Le satellite est toujours en orbite terrestre. Depuis, les États-Unis n’ont pas lancé de réacteur nucléaire dans l’espace.
En URSS : L’Union soviétique a développé les réacteurs BE5 durant les années 1960, afin de fournir de l’électricité à leurs satellites de surveillance océanique RORSAT.À partir de 1974, tous les satellites RORSAT utilisent des réacteurs nucléaires. Au moins 31 BE5 et deux réacteurs TOPAZ fonctionnant à l’uranium235 hautement enrichis ont été lancés en orbite
Nouvelles tendances et redynamisation du sujet avec l’exploration spatiale
Au Royaume-Uni :
L’entreprise anglaise Rolls Royce a dévoilé un concept de réacteur nucléaire spatial, présenté à l’IAC 2022 à Paris. L’entreprise a signé un contrat pour une étude avec l’Agence spatiale du Royaume-Uni. Elle souhaite capitaliser sur son expertise de SMR terrestres pour entrer sur le marché du spatial.
Aux Etats–Unis :
Memorandum on the National Strategy for Space Nuclear Power and Propulsion (Space Policy Directive-6)
participation du secrétaire à l’Énergie au National Space Council
Executive Order on Promoting Small Modular Reactors for National Defense and Space Exploration: En janvier 2021, l’administration américaine publie une décision présidentielle encourageant l’usage de petits réacteurs modulaires dans les domaines spatial et défense.
En Chine :
En 2017, la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) a publié sa feuille de route technologique pour l’exploration spatiale, qui inclut des vaisseaux nucléaires à l’horizon 2040.
En 2022, d’après de nombreux médias, un prototype de réacteur à fission d’une puissance d’un mégawatt aurait passé un seuil de revue critique.
Recommandations
1) Envoi d’un signal politique fort permettant de faire émerger un écosystème power-newspace dont le marché sera garanti par la commande publique
2) Mise en place un groupe de travail nucléaire spatial dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie interministérielle 2040 (Bercy, MESRI, Minarm, SGDSN)
3) Mise en place d’un GT technique “microréacteur électronucléaire spatial” entre CNES, CEA, ministère des Armées (CDE, DGA, EMA) et pilotage à présidence tournante
Le temps joue contre nous !
Pour rattraper le retard et entrer dans la course, la France doit élaborer une stratégie nucléaire spatiale d’ici 2026 et prendre le virage du “powerspace” avant d’être déclassée à l’échelle mondiale
L’objectif clé
Faire de la France la batterie de l’Europe d’ici 2040
Favoriser une stratégie européenne des Ressources Spatiales
L’exploitation des ressources spatiales, connue sous le nom d’ISRU (in-situ resources utilization), a une longue histoire qui remonte aux missions Apollo. Ces missions ont marqué les premières tentatives de ramener des ressources spatiales sur Terre, avec un total d’environ 382 kilogrammes rapportés sur Terre. Même si l’URSS et plus récemment la Chine ont également extrait et rapporté des échantillons, l’utilisation des ressources spatiales aura davantage d’applications directement dans l’espace, plutôt qu’en les ramenant sur Terre.
Les ressources spatiales disponibles sont diverses, et accessibles sur différents corps célestes. Sur la Lune, par exemple, on trouve des régions constamment plongées dans l’ombre au pôle sud où de l’eau permettant de produire de l’oxygène et de l’hydrogène peut être présente. Le régolithe lunaire, présent sur toute la surface de la Lune, contient des métaux tels que le fer et l’aluminium, ainsi que de l’oxygène exploitable. Ces ressources peuvent être utilisées pour soutenir la vie et faire du ravitaillement en carburant, ainsi que pour la fabrication d’habitats spatiaux. En plus de nécessiter moins d’énergie que les ressources lunaires, certains astéroïdes contiennent également des ressources intéressantes, notamment de l’eau et des métaux. Pouvant être utilisés pour les mêmes raisons que les ressources lunaires. De plus, des métaux rares (métaux platinoïdes notamment) essentiels à l’industrie pouvant être amenés à manquer dans les prochaines décennies, peuvent s’y trouver et y être exploités.
Des tendances récentes ont donné un nouvel élan à l’exploration et à l’exploitation des ressources spatiales.
La concurrence entre les États-Unis et la Chine pour revenir sur la Lune a accéléré le développement de toute la chaîne de valeur des ressources lunaires car la Lune est considérée pour ces acteurs comme une étape cruciale avant d’atteindre des destinations plus lointaines, telles que Mars.
La possibilité d’extraire et d’utiliser les ressources lunaires faciliterait grandement ces futures missions en ravitaillant en ressources les véhicules spatiaux utilisés.
Concernant les astéroïdes, des acteurs privés crédibles, tels qu’Origin Space en Chine, ou TransAstra et AstroForge aux Etats-Unis sont apparus ces dernières années et suscitent un intérêt croissant.
De plus, l’oxygène extrait des astéroïdes nécessitant moins d’énergie que celui de la Lune pour des applications en orbite, il sera moins cher et ainsi davantage convoité pour des missions spatiales lointaines.
Cependant, plusieurs obstacles entravent actuellement l’exploitation des ressources spatiales
Le droit spatial international interdit l’appropriation des ressources spatiales, bien que certains pays aient adopté des lois nationales pour contourner ces contraintes, notamment les États-Unis, la Chine, le Luxembourg et les Émirats arabes unis. Pour les ressources lunaires, se poser et décoller de la Lune nécessitera un stock d’ergols dédié à cette tâche, ainsi que de la logistique développée. En ce qui concerne les astéroïdes, ces derniers ne sont pas encore suffisamment bien connus en termes de propriétés physiques et chimiques, et leur exploitation nécessitera des missions plus longues et des véhicules spatiaux dont les technologies sont encore à développer.
La France et l’Europe ont des enjeux importants dans le domaine des ressources spatiales. Avec le retour de l’humanité sur la Lune prévu d’ici la fin de la décennie et les perspectives d’établissement de bases lunaires, de voyages vers Mars et au-delà, une nouvelle ère de l’exploration spatiale s’ouvre. Jusqu’à présent, l’Europe a été discrète dans ses ambitions d’exploration spatiale habitée, contrairement aux États-Unis et la Chine qui consacrent d’importants budgets à ces initiatives.
>> Cette exploration spatiale future sera infaisable sans l’utilisation de ressources spatiales, dont on estime les besoins à plusieurs centaines de tonnes par an d’ici 2040 : une simple mission habitée vers la Lune sans cargo nécessitera environ 25 tonnes d’ergols nécessaires à ravitailler. Dans cet objectif, l’Agence spatiale européenne (ESA) prévoit de produire 45 tonnes d’oxygène liquide sur la Lune à partir de 2032.
Si l’Europe et ses états membres ne s’impliquent pas dans ce marché émergent des ressources spatiales via une stratégie commune, elles risquent de perdre leur renommée actuelle et leur présence dans l’espace à long terme, se retrouvant reléguées au second plan derrière la NASA et l’Administration spatiale nationale chinoise (CNSA).
Par conséquent, il est crucial de favoriser une stratégie européenne des ressources spatiales, de promouvoir la recherche et le développement dans ce domaine, et de mettre en place les lois et les partenariats nécessaires pour assurer la participation active de la France et de l’Europe dans le futur de l’exploitation spatiale.
Le nouveau directeur de Framatome Space revient sur la stratégie de cette entreprise dédiée au nucléaire spatial.
Etats-Unis, Chine, Russie et récemment le Royaume Uni, tous membres du Conseil de Sécurité de l’ONU au même titre que la France, se sont positionnés sur le développement de capacités nucléaires spatiales.
Racontez-nous quel a été l’élément déclencheur qui donna naissance à Framatome Space ?
Comme l’énergie nucléaire, l’industrie spatiale connaît un intérêt renouvelé partout dans le monde et l’humanité est prête à s’embarquer dans une nouvelle ère du voyage spatial. La NASA a dévoilé ses objectifs de la Lune à Mars qui visent une présence humaine prolongée sur la lune d’ici 2030 et une première mission vers Mars d’ici 2040. L’Europe, via son Agence spatiale européenne (ESA), a participé au programme ARTEMIS de la NASA et vise maintenant une souveraineté accrue ainsi que le développement de capacités de lancement de missions spatiales habitées. Le tourisme spatial ou l’utilisation commerciale des capacités spatiales se sont rapidement développées au cours des dernières années, sous l’égide d’entreprises privées offrant un accès commercial à l’espace à des prix acceptables et faisant du rêve du voyage dans l’espace une réalité pour quelques-uns.
Au sein de son groupe de travail “Espace et Énergie”, ASTRES traite abondamment du nucléaire pour et dans l’espace. RTG ou SMR, propulsion ou source d’autonomie pour des bases habitées, civil ou militaire, les produits à développer sont nombreux et les applications diverses.
Comment Framatome Space entend prendre une place prépondérante sur ce marché et quelles sont ses ambitions aux échelles nationale et internationale ?
Comme sur Terre, l’accès à une énergie sûre, fiable et en continu est clé pour permettre tout développement.
Chez Framatome, nous sommes persuadés que cette future exploration spatiale peut être facilitée ou améliorée par l’énergie nucléaire.
Framatome travaille depuis plusieurs années pour l’industrie spatiale en fournissant des dômes pour les réservoirs des lanceurs et de l’hafnium pour les alliages durcis des engins spatiaux. Nous avons pu aussi soutenir des développements en mettant à disposition nos moyens d’essais et nos compétences.
Sur le nucléaire spatial nous avons déjà des activités en Europe et aux Etats Unis. Framatome soutient le CEA et le Groupe Ariane avec une étude de faisabilité sur un moteur à propulsion thermonucléaire. Nous avons participé à une première phase sur la fabricabilité du combustible aux Etats-Unis. La capacité à concevoir et fabriquer des combustibles nucléaires est clé et nous ne sommes pas nombreux à avoir cette connaissance et compétence.
Depuis plus de six décennies, nos équipes conçoivent, construisent et entretiennent la chaudière nucléaire de centrales dans le monde entier. Nous avons été présents à chaque étape du processus sur tous les types de technologies de réacteurs. Framatome est également engagé dans l’avenir de la production d’énergie nucléaire, depuis les réacteurs de troisième génération aux réacteurs avancés et aux petits réacteurs modulaires (SMR). Nous travaillons aujourd’hui en particulier sur les réacteurs avances qui montrent de fortes similitudes et qui partageront des briques technologiques avec les réacteurs pour un usage spatial.
C’est l’ensemble de ces capacités que nous souhaitons mettre au service de l’industrie spatiale pour atteindre ses nouveaux objectifs.
Au-delà des applications de propulsion, quelle place pour l’énergie nucléaire dans les futurs enjeux de la logistique spatiale et des bases habitées ?
Comme sur Terre l’accès à une énergie sûre, fiable et en continu est clé pour permettre tout développement. L’énergie nucléaire répond à ce besoin. Elle permet d’une part de réduire les temps de trajets et donc de limiter l’impact sur la santé des astronautes et d’autre part de fournir de l’énergie nécessaire à tous services sur une base déportée lunaire., Les panneaux solaires y sont peu efficaces du fait d’une nuit lunaire qui dure 14 jours terrestres avec des températures atteintes très faibles.
Les produits Framatome adresseront ils d’abord à des agences spatiales, au milieu militaire, ou à des acteurs commerciaux ?
Avec la création de Framatome Space, Framatome se tient prêt à jouer un rôle décisif dans l’avenir de l’exploration spatiale et met ses 65 ans d’expertise nucléaire et industrielle au service de l’industrie spatiale pour permettre aux missions de gagner en rapidité et en efficacité.
La marque Framatome Space a pour objectif de positionner Framatome en tant que partenaire de choix de l’ensemble des acteurs de l’espace pour rendre possibles leurs nouveaux challenges et en fonction de leurs besoins qui seront tous spécifiques.
Comment Framatome perçoit la concurrence sur ce marché du nucléaire spatial ? Quels atouts à faire valoir devant celle-ci ?
Depuis plus de six décennies, nos équipes conçoivent, construisent et entretiennent la chaudière nucléaire de centrales dans le monde entier. Nous avons été présents à chaque étape du processus sur tous les types de technologies de réacteurs. Framatome est également engagé dans l’avenir de la production d’énergie nucléaire, depuis les réacteurs de troisième génération aux réacteurs avancés et aux petits réacteurs modulaires (SMR). Nous travaillons aujourd’hui en particulier sur les réacteurs avancés qui montrent de fortes similitudes et qui partageront des briques technologiques avec les réacteurs pour un usage spatial.
En plus d’être un industriel présent à toutes les étapes de la chaine jusqu’à la fabrication des équipements et leurs qualifications nous avons un atout précieux qui est notre capacité à concevoir et fabriquer du combustible. Par exemple notre division CERCA est le premier fournisseur mondial de combustible nucléaire et de cibles d’uranium pour les réacteurs de recherche, et notre joint-venture Isogen est spécialisée dans la production de radioisotopes dans les réacteurs de puissance commerciaux CANDU.
Concernant la filière nucléaire spatiale
D’après vous, la commande publique (française, européenne) permettra-t-elle à Framatome et ses partenaires industriels de pérenniser la filière du nucléaire spatial ?
L’Europe est en train de construire sa feuille de route industrielle et se concentre aujourd’hui sur sa capacité à développer des RPS (radioisotope power system). Les réflexions autour des réacteurs à fission commencent. Framatome participe aux programmes européens ESA (European Space Agency) sur de premières études sur la propulsion nucléaire au coté du CEA et d’Ariane Group.
Framatome à travers sa marque Framatome Space pourrait apporter des solutions à certains défis techniques, rassurer sur la capacité européenne et faciliter les décisions.
Projet RocketRoll
ou “pReliminary eurOpean reCKon on nuclEar elecTric pROpuLsion for space appLications” est un projet d’étude des avantages de la propulsion nucléo-électrique (NEP) de l’ESA (2023).
Projet ALUMNI
ou “preliminAry eLements on nUclear therMal propulsioN for space applIcations” est un projet d’étude des avantages de la propulsion nucléo-thermique (NTP) de l’ESA (2023).
Envisagez-vous à terme une coopération avec des startups ou PME émergentes du domaine spatial ou du domaine nucléaire ?
Nous développons par ailleurs des relations avec les start-ups du New Space qui, elles aussi, étudient comment s’approvisionner en énergie. Nous espérons concrétiser rapidement ces premiers échanges. L’innovation est une composante forte de l’ADN de Framatome. Chaque jour, nous innovons pour proposer de nouvelles solutions et services pour gagner en compétitivité et en sûreté d’exploitation.
D’après vous, quels seront les besoins RH dans cette filière nucléaire spatiale d’ici 2040 ?
Aujourd’hui il y a peu de lien entre les deux domaines. Nous voulons constituer une passerelle à un moment où les deux sujets de l’énergie et de l’espace passionnent jeunes générations mais pas que. L’annonce de Framatome Space réveille le rêve d’enfance de bons nombres de nos collaborateurs.
Les compétences initiales à avoir sont proches et donc un passage d’un domaine à l’autre est possible et si on peut travailler dans les deux domaines en même temps, c’est passionnant.
Nous sommes en 2040 : comment imaginez-vous les apports de Framatome dans l’aventure d’exploration spatiale européenne ?
Framatome souhaite être à bord. Les programmes en Europe vont se concrétiser et nous souhaitons y contribuer et les faciliter. Ensuite Framatome n’est pas que européen et nous pourrons accompagner d’autres pays en faisant valoir les compétences françaises.
Pour rappel, l’Alliance Stratégique des Étudiants du Spatial a pour but d’organiser et de stimuler la réflexion stratégique jeune autour du spatial français. Ses 8 groupes de travail investissent des thématiques d’avenir et contribue à la démocratisation de celles-ci, comme par exemple l’usage de l’énergie nucléaire dans l’espace.
Avez-vous un mot pour la jeunesse du secteur spatial français ?
Les enjeux spatiaux sont immenses et passionnants. Les enjeux énergétiques liés d’une part au changement climatique mais aussi aux tensions géopolitiques actuelles font prendre conscience de l’importance et de la capacité de l’énergie nucléaire. Nous souhaitons participer à construire ce futur et faire le pont entre nos domaines. Les jeunes générations ont la chance de pouvoir participer. Elles peuvent choisir un des domaines ou les deux en même temps.