Les compétences spatiales de l’Union Européenne, de l’ESA et du CNES

Dans quel contexte évolue la France en matière de spatial ? A quels défis sommes nous confronté ? Les GT vous proposent leurs notes de synthèse pour mieux comprendre le paysage spatial actuel.

Par le GT Gouvernance

La politique spatiale française est largement associée à la politique spatiale européenne qui repose sur la coopération entre plusieurs 3 entités majeures : le CNES (Centre National d’Études Spatiales), l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et l’Union Européenne (avec l’EUSPA, agence pour le programme spatial de l’UE).


Le CNES est en charge de l’implémentation et d’une partie de la conception de la politique spatiale française. Le CNES contribue aussi activement à la politique spatiale européenne en tant qu’agence nationale la plus importante de l’UE et de l’ESA. Ses missions incluent :

  • Planification et exécution des programmes nationaux : développement de satellites, lanceurs comme Ariane (en collaboration avec l’ESA), et projets scientifiques nationaux. Exclusivité sur les programmes sécuritaires.
  • Innovation technologique : développement de technologies spatiales, notamment dans l’observation de la Terre, les télécommunications et la navigation.
  • Collaboration internationale :
    • Avec l’ESA : participation à des programmes européens et intermédiation entre la France et l’ESA pour défendre les priorités françaises ;
    • Avec des agences mondiales : partenariats bilatéraux avec la NASA, l’ISRO, CNSA, … (fin des partenariats avec Roscosmos depuis 2022)

L’ESA est l’agence spatiale européenne regroupant 22 États membres (dont certains non-membres de l’UE). Elle constitue le principal acteur européen pour les programmes spatiaux multilatéraux. Elle peut aussi implémenter les programmes spatiaux nationaux des États membres ne possédant pas d’agence nationale.

  • Mission et financement :
    • L’ESA est financée par ses États membres et par l’UE, sur la base de contributions volontaires et obligatoires.
    • Ses priorités incluent la science spatiale, les vols habités, les lanceurs, l’observation de la Terre, la navigation et les télécommunications.
  • Compétences principales :
    • Développement de grands programmes européens : lanceurs Ariane et Vega, et missions européennes comme Rosetta et Gaia, …
    • Gestion des infrastructures spatiales européennes : centres d’opérations spatiales, CSG, …
    • Recherche scientifique et R&D : Centre technologique de l’ESA à Noordwijk
  • Relation avec l’UE :
    • L’ESA collabore avec l’UE pour exécuter des programmes phares comme Galileo (système de navigation) ou Copernicus (observation de la Terre).

L’UE est impliquée dans la politique spatiale depuis les années 2000, avec l’article 189 du TFUE qui officialise la politique spatiale comme une compétence partagée. L’agence pour le programme spatial de l’UE (EUSPA) est chargée de l’implémentation de ses programmes.

  • Objectifs politiques :
    • Assurer l’autonomie stratégique de l’Europe dans l’espace.
    • Renforcer l’innovation, la compétitivité industrielle et la durabilité.
    • Soutenir les priorités sociétales : sécurité, environnement, économie numérique.
  • Programmes majeurs :
    • Galileo : le système de positionnement par satellites européen, concurrent du GPS.
    • Copernicus : programme d’observation de la Terre pour surveiller l’environnement et gérer les crises.
    • Espace sécurisé : initiatives pour la surveillance spatiale (SSA) et la défense spatiale.
    • Télécoms : GOVSATCOM, IRIS²
  • Relations institutionnelles :
    • L’UE travaille avec l’ESA via des accords de partenariat : elle finance en partie les missions de l’ESA pour les programmes spécifiques.
    • Elle agit également comme un acteur politique en définissant les grandes priorités stratégiques (EU Space Law incoming…)

La politique spatiale de la Tchéquie

Dans quel contexte la République tchèque développe-t-elle sa politique spatiale ? Quels sont ses objectifs et ses ambitions dans ce domaine ? Les GT vous proposent leurs notes de synthèse pour mieux comprendre le paysage spatial actuel.

Par le GT Gouvernance

Résumé

La République tchèque renforce son ambition spatiale en développant ses capacités industrielles, scientifiques et technologiques. Sans agence nationale, elle s’appuie sur l’ESA et des coopérations internationales. Son programme « Česká cesta do vesmíru » vise une mission spatiale nationale d’ici cinq ans. Le pays investit dans la recherche, l’innovation et la défense tout en soutenant le secteur privé. Il s’engage aussi dans la durabilité avec la gestion des débris spatiaux. Ces initiatives visent à accroître sa visibilité et son rôle dans l’industrie spatiale européenne.

Objectifs stratégiques

Les activités spatiales en République tchèque sont depuis leurs origines principalement étatiques, industrielles et scientifiques (sciences spatiales, technologies spatiales, navigation,  télécommunications par satellite, observation de la Terre, etc.) Les priorités nationales tchèques  concernant l’espace se trouvent dans le Plan spatial national 2020-2025. Ce dernier répertorie les points clés du programme spatial tchèque qui a pour  objectif premier de renforcer les capacités spatiales du pays. Cela passe notamment par le  renforcement des synergies et complémentarités entre le milieu industriel et universitaire  tchèques, afin d’accroître la compétitivité, et d’accélérer les transferts de technologies et de  connaissances entre ces deux milieux. 

Cadre institutionnel et politique

Les activités spatiales en République tchèque sont gérées depuis 2011 par le Ministère  des Transports. Pour ce faire, il a mis en place un Conseil de Coordination des activités spatiales  organisé en plusieurs comités transversaux dont l’un des objectifs est notamment d’assurer une  interface entre l’industrie et le monde universitaire. Aussi, le pays ne possède pas d’agence  spatiale nationale au même titre que d’autres nations spatiales. 

Coopérations internationales

Le spatial en République tchèque passe majoritairement par l’ESA. Le pays se considère  comme le “cerveau et le cœur de l’industrie spatiale européenne et des applications satellitaires“. Il accueille depuis 2021 l’EUSPA qui assure la responsabilité de la gestion opérationnelle et de  l’exploitation des systèmes de constellations européens (EGNOS, Galileo, Copernicus). Un  second siège devrait bientôt ouvrir à Prague à partir de 2025. La République tchèque a  également signé plusieurs accords bilatéraux par exemple avec la France (CNES). Elle a aussi rejoint les accords Artémis en 2023 tout en rappelant son rôle et son implication dans le domaine  spatial, notamment en tant qu’acteur majeur de la recherche spatiale. Il y a une réelle volonté  de mieux et de davantage s’insérer sur la scène spatiale internationale et d’y incarner une  position active pour accroître sa visibilité tout en renforçant ses coopérations bilatérales en  particulier avec les pays européens. Le pays démontre une volonté d’une plus grande considération de ses capacités aux côtés des autres puissances tout en restant en partenariat. 

Capacités techniques et industrielles

La République tchèque dispose d’une grande excellence dans le domaine des sciences  spatiales. Elle a par exemple participé à la mission SWARM ou encore au développement des lanceurs Ariane 5 et Ariane 6. Depuis 2019, les entreprises tchèques sont notamment reconnues  comme membres des chaînes d’approvisionnement internationales pour la production de  lanceurs, de satellites et de segments terrestres. En revanche, elle ne possède pas de site de  lancement, passant ainsi par des coopérations avec l’ESA ou les États-Unis pour mettre en orbite ses propres satellites ou spationautes. Elle est aussi engagée dans le domaine de  l’exploration spatiale comme avec la mission VZLUSAT-1 dont le but était d’examiner les qualités d’un bouclier radiatif visant ensuite à être employé pour la création d’habitations sur la Lune et sur Mars en les préservant des radiations.

Nanosatellite tchèque VZLUSAT-1. (Source : Portail spatial tchèque)

Résultats et performances

La République tchèque a affiché de nouvelles ambitions dans le spatial en annonçant  allouer 275 millions de couronnes tchèques, soit environ 11 millions d’euros, supplémentaires  par an aux programmes de l’ESA pour une participation totale estimée à 62 millions d’euros. Si les investissements sont majoritairement publics, le pays a exprimé sa volonté de stimuler  les investissements privés.  

En juin 2024, la République tchèque a lancé son nouveau programme spatial Česká cesta  do vesmíru (« Voyage tchèque dans l’espace ») consistant en la réalisation d’une mission  tchèque dans l’espace d’ici cinq ans. Ce programme passe par le développement de technologies spatiales grâce à la coopération des secteurs commercial, éducatif et scientifique. Deux  nouvelles missions spatiales ont également été annoncées, à savoir AMBIC (ambitious czech satellite) et QUVIK (Quick ultra-Violet Kilonovae Serveyor). L’objectif est de renforcer la  position du pays et de ses entreprises dans le domaine spatial, même si l’ESA reste le principal  instrument de développement de l’industrie spatiale tchèque.

Réglementation et cadre légal 

La République tchèque est signataire du Traité sur les principes régissant les activités  des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes de 1967.

Développement durable et impact environnemental 

L’observation de la Terre fait partie des prérogatives du spatial tchèque. Aussi, la  question des débris est assez présente dans sa politique spatiale. Le pays a par exemple rejoint le programme ClearSpace en 2020, soit la première mission de dépollution spatiale. Il y a également une mise en avant dans le Plan spatial national du développement de capacités pour  la gestion et le suivi des débris (lasers, etc.), bien que le cadre reste majoritairement celui de l’UE ou de l’ESA.

Engagement du secteur privé

La République tchèque encourage le développement du secteur privé et de startups tout  en favorisant les synergies avec le public, afin de renforcer ses capacités spatiales et encourager  les innovations. En 2016, la Tchéquie a par exemple fondé ESA BIC Prague un programme  d’incubations, de suivis et de soutiens (financier, techniques, etc.) aux jeunes entreprises  innovantes liées aux activités spatiales. En 2019, le pays a lancé ESA BIC Brno, deuxième plus  grande ville du pays, témoignant ainsi de cette volonté de soutenir le secteur privé pour le  spatial.

Capacités de défense et de sécurité

Si la politique spatiale tchèque est principalement axée autour d’aspects scientifiques,  elle connaît ces dernières années une forme de redynamisme ou de « mise à jour » au vu de la  dégradation du contexte géopolitique, avec une orientation plus marquée autour des enjeux de  défense et de sécurité. En 2018, le Centre satellitaire de la République tchèque (CZE SATCEN)  a ainsi été créé. Il s’agit d’un département intégré à la structure du renseignement militaire tchèque. Le pays a également reconnu officiellement l’importance du spatial comme champ conflictuel. Elle a ainsi mis en avant l’aspect essentiel des images satellitaires et de l’IA pour le  secteur militaire.

Éducation, recherche et innovation 

La formation de nouvelles générations de scientifiques, d’ingénieurs et de chercheurs  est au cœur de la politique spatiale tchèque. Susciter l’intérêt des nouvelles générations pour  l’espace extra-atmosphérique est un axe central notamment représenté par la mise en place d’un  ensemble d’expositions comme en 2020 avec Cosmos Discovery à Prague traitant de l’histoire  de la conquête spatiale. Organisée en collaboration avec la NASA, le Musée Cosmosphere au  Kansas et le Centre d’Éducation de Prague, cette exposition visait à inspirer les jeunes et les  orienter dans cette voie, tout en s’adressant aux adultes de tous âges. La figure d’Aleš Svoboda,  astronaute tchèque de réserve, qui serait le deuxième Tchèque à aller dans l’espace après Vladimir Remek, premier Tchécoslovaque à y être allé en 1978, revient à plusieurs reprises  dans les discours pour engager l’intérêt de la population. L’usage de symboles fait aussi parti  de cette stratégie, comme avec l’envoi de Hurvínek, la célèbre marionnette tchèque aimée des  plus petits dont une réplique a été envoyée à bord du satellite Planetum 1 en 2022, onze ans  après l’envoi de la célèbre Petite Taupe Krteček, à bord du vaisseau spatial Endeavour. Le  programme Česká cesta do vesmíru selon le ministre des Transports Martin Kupka devrait  également participer à susciter l’intérêt des plus jeunes pour l’étude des domaines scientifiques  et techniques.

Notre contribution à Space International

Le magazine spécialisé Space International fait la part belle aux réflexions de la jeunesse ! Toute l’année 2024, vous pouvez lire les résultats de nos travaux interGT, grâce à la confiance du rédacteur en chef Benoist Bihan et l’ensemble de l’équipe de Space International.

de gauche à droite: Léo Henquinet, Alix Guigné, Charlotte Berthoumieux

La collaboration initiée en juin 2023 a semblé évidente. Nés tous deux en mars, Space International et ASTRES partagent la vision d’un secteur spatial en pleine expansion, dont les aspects géopolitiques et stratégiques réclament plus d’attention que jamais. Il fut donc convenu lors des Assises du New Space – Saison 2, de mettre en lumière les réflexions de la jeune génération autour des thèmes suivants:

  • Comment développer et structurer un Conseil National de l’Espace en France ?
  • Comment soutenir l’industrie spatiale française et européenne d’ici 2040 ?
  • Quelles perspectives d’évolution des alliances spatiales à l’épreuve des transformations géopolitiques ?

Le numéro 5 comprend donc une interview de la co-fondatrice et présidente d’ASTRES, Sabrina Barré, pour retracer la genèse et les ambitions du collectif, ainsi que le premier article sur les fondements d’un Conseil National de l’Espace. Dans notre prospective, le Conseil National de l’Espace devient l’organe interministériel principal de coordination et de décision pour la mise en œuvre d’une stratégie spatiale française ambitieuse.

En juin, vous trouverez dans le numéro 6 les travaux sur la souveraineté industrielle spatiale. L’occasion de revenir sur la table-ronde organisée à la Sorbonne Nouvelle, “la culture du spatial dans notre quotidien et dans le futur de l’entreprise” avec François Buffenoir, Alban Guyomarc’h et Mathieu Luinaud.

Nos dernières réflexions sortiront dans le prochain numéro, en attendant à vos kiosques ! Vous pouvez aussi commander Space International ici.

Félicitations à tous les participants aux projets interGT, avec une mention spéciale pour Léo Henquinet (projet Conseil National de l’Espace), Alix Guigné et Washington George (projet Soutien à l’industrie) et Barnabé Andrieu-Coster (projet Alliances continentales), pour leur travail tout au long de l’année.

Un grand merci à Benoist Bihan et aux équipes de Space International pour l’opportunité exceptionnelle et leur confiance dès les premiers jours.

ASTRES au Summer Space Festival

ASTRES s’associe avec le Summer Space Festival pour vous proposer un atelier sur les carrières spatiales, le Samedi 13 Juillet à Lille.

Vous vous êtes toujours demandés quelles études vous devriez faire pour travailler dans le spatial ? Ou comment intégrer le secteur avec votre formation actuelle ?
𝐋𝐞 𝐬𝐚𝐦𝐞𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐣𝐮𝐢𝐥𝐥𝐞𝐭 𝐚̀ 𝟏𝟒𝐡, nous recevrons 4 invités d’exception qui nous présenteront leurs parcours, suivi d’un temps de questions-réponses avec le public.


•⁠ ⁠Numa Isnard, avocat fondateur de SPACEAVOCAT, nous présentera les parcours juridiques
•⁠ Eric DELETOMBE, Directeur du Rayonnement Scientifique Industriel et Institutionnel en Hauts de France à l’ONERA – The French Aerospace Lab nous parlera de son parcours d’ingénieur
•⁠ ⁠Le Commandant Thomas Bouaziz du Commandement de l’Espace sera présent pour répondre à toutes vos questions sur les métiers du spatial dans l’Armée de l’Air et de l’Espace
•⁠ ⁠Enfin, Charlotte Nassey, Chargée des relations institutionnelles chez ispace, inc., nous présentera son parcours et les activités liées au business development !

Les capacités de la salle étant limitées, merci de bien vouloir prendre vos places (gratuites) sur la billetterie en ligne ci-dessous. https://lnkd.in/eA_64s_9

📍 Summer Space Festival, Lille, Gare Saint-Sauveur, Samedi 13 Juillet 2024

Un groupe dédié aux stages et alternances dans le secteur spatial

Il est parfois difficile de pénétrer dans ce domaine fascinant qu’est le spatial : par manque d’informations sur les voies à emprunter, les entreprises qui recrutent ou les compétences à présenter. Du côté des recruteurs, pas simple non plus de trouver des pépites en dehors des grandes filières ingénieures aérospatiales, qui excellent sur le plan technique mais ne préparent pas aux autres métiers tout aussi indispensables au bon fonctionnement de la filière (commerce, finance, communication, …).

Depuis sa création, ASTRES reçoit régulièrement des offres de stages et alternances, et les pourvoit souvent avec succès auprès de ses adhérents. Néanmoins, depuis les premiers jours nous avons à cœur de démocratiser l’accès au secteur spatial. Dès lors, repartager ces offres au plus grand nombre semble évident.

Ainsi, le groupe Linkedin public Stages et Alternances du Spatial | par ASTRES est ouvert pour les recruteurs et les étudiants, jeunes professionnels. Tout le monde est appelé à y contribuer, en rediffusant des offres aperçues dans nos fils Linkedin respectifs ou en proposant celles de votre organisation.

Le fonctionnement est simple

Pour les recruteurs:

Partagez ou écrivez une nouvelle offre, en indiquant les détails essentiels: Profil attendu, Localisation, Date, Missions et Rémunération s’il y a.

L’astuce: utilisez le modèle “Dire que je recrute” pour une offre encore plus attractive et qui apparaîtra aussi dans l’onglet Carrières de Linkedin.

Pour les étudiants

Activez les notifications pour recevoir les nouvelles offres, réagissez aux posts des recruteurs.

Vous pouvez aussi poster votre propre recherche, en indiquant les missions, le type, la date et la localisation.

Nous continuons de diffuser les offres en interne aussi, obtenues sur Linkedin ou sur notre email directement.

Bonnes rencontres professionnelles à tous !

Encourager l’investissement spatial privé

Pierre Letellier, Antoine Chesne, Juin 2023

Elon Musk, Jeff Bezos. Ces deux noms résonnent aujourd’hui comme les symboles du New Space américain. Pourtant, les deux plus grandes fortunes d’Amériques ne sont pas nées dans l’industrie spatiale. Ayant fait originellement fait fortune dans les services au e-commerce (PayPal pour Musk, Amazon pour Bezos), c’est à la fois par vision et opportunité qu’ils se sont emparés du secteur spatial et l’ont dynamisé. Une telle success story serait-elle possible en France ? Nous ne manquons pas de milliardaires rivalisant, mais leur intérêt pour l’innovation et la technologie demeure faible. Alors, comment inciter les investisseurs privés, particuliers et fonds, à faire affluer leurs capitaux dans le spatial ?

Créer des mesures incitatives fiscales

L’outil fiscal doit être utilisé pour diriger les capitaux privés vers les technologies et les innovations présentant un fort intérêt stratégique et de souveraineté. L’Espace, par ses différentes composantes (imagerie, télécommunications, IoT, exploration, transport & logistique, fabrication en orbite…) pourrait en bénéficier.

La recommandation

Les autorités fiscales sont à mobiliser pour abaisser le taux effectif d’imposition. Nous suggérons : 

  • De bâtir une fiscalité dégressive du capital investi selon la durée du projet industriel pour s’adapter aux conditions de développement du spatial.
  • de faciliter la mise en place de fonds de placements permettant de répartir le risque des capitaux investis dans un “pool” d’acteurs émergents.

Le secteur spatial pourrait prendre pour modèle la finance verte et ses méthodes pour flécher les investissements vers les technologies et les industries de la transition énergétique. En particulier on soulignera le rôle des placements pour particulier (comme le Livret de Développement Durable, 142.2 Md€ déposés au 31 mai 2023) ou les obligations vertes dont bénéficient les entreprises. Il serait possible de les transposer en faveur d’autres secteurs stratégiques comme le spatial.

Limites / points d’attention

Le problème de cette stratégie, selon l’OCDE (2015), la réduction de la charge fiscale a peu d’effet sur l’investissement car l’incitation fiscale ne remédie pas les défaillances directement, ne demande pas de sortie de fonds pour des subventions etc. Quand bien même dans une industrie spatiale internationale le pays au taux le plus faible pourrait être avantagé, cela risque de créer un phénomène de surenchère dont tout le pays pâtirait. Il faut alors poser la question de l’évaluation des coûts et avantages de cette politique d’incitation ; ainsi qu’une mise à l’échelle européenne de cette approche pour éviter la compétition. L’UE investit d’ores et déjà dans le succès des startups par le biais de la commande publique (10-30% de d’IRIS² doit être à destination de contractants startups ou de moyennes entreprises du spatial). L’approche par la taxation est donc à moduler avec les autres approches présentées dans cette note de réflexion.

Chiffre clé : “10 percentage point increase in the corporate income tax rate lowering FDI by 0.45 percentage point of GDP” 

Assurer la visibilité par la commande publique

La “vallée de la mort” désigne dans le capital-risque la période de danger pour les startups entre les levées de fonds et la rentabilité. Dans le secteur spatial, cette vallée est particulièrement large, ce qui freine les investisseurs craignant le manque d’assurance sur les revenus à long-terme.

La recommandation

  • Nous proposons de repenser les mécanismes de commande publique pour assurer davantage de visibilité sur les revenus pour les acteurs du New Space. Plutôt que de multiplier les contrats public-privés, avec des budgets alloués annuellement, nous proposons une programmation plus longue et des contrats cadres fléchant les revenus à horizon 5 à 10 ans. 

Une idée serait également de  faire signer une charte d’engagement sur la durée des contrats de commande publique. En échange de contrats sur le plus long-terme, les institutions (ex : CNES) peuvent demander la possibilité d’un droit de regard plus extensif sur la direction du projet, et notamment invoquer un droit de retrait à mi-parcours en cas d’échec industriel. La mesure ne doit pas remettre en cause les principes de concurrence et les avantages qui en sont tirés par l’Etat. De façon cohérente, pour soutenir le tissu du news pace et ses investisseurs, ces grandes commandes sur le long terme doivent leur être en partie adressées. A l’image de la constellation IRIS² : 30% des contrats doivent être attribués à des PME, afin d’éviter la monopolisation des ressources par les géants satellitaires (Airbus, TAS, OHB), des lanceurs (ArianeGroup) et des télécom (EutelSat, SES, Hispasat…).

Limites / points d’attention

Ce type de contrat de long-terme existe déjà au sein de l’ESA, mais dans le New Space européen il a été mis en oeuvre dans des pays dont les géants du secteurs n’accaparent pas l’essentiel des commandes publiques. On citera en Suisse Clearspace, championne des retraits de débris orbitaux, qui bénéficient d’un contrat en trois étapes avec l’ESA. Clearspace bénéficie en grande partie du retour géographique des montants investis par la Suisse au sein de l’ESA. L’essentiel des montants investis par la France dans l’ESA allant à nos filières lanceurs et satellites lourds, il faut veiller à un équilibre entre grands groupes et PME pour assurer que les innovations de rupture puissent émerger et s’industrialiser grâce aux contrats cadres et la commande publique.

Impliquer les clients finaux du spatial

Notre goût du risque n’est peut-être pas le même en Europe qu’outre-Atlantique ; un effort culturel est à construire dans le domaine financier pour que les investisseurs non-initiés alimentent le secteur. 

In the U.S., the risk appetite is far greater. Investors are often open to entrepreneurs whose early venture has failed because they are seen as better for the first-hand experience. It’s okay to fail and try again, and so it’s okay to lose money at times.” “”Aux États-Unis, le goût du risque est beaucoup plus grand. Les investisseurs sont souvent ouverts aux entrepreneurs dont la première entreprise a échoué, parce qu’ils sont considérés comme plus compétents du fait de leur expérience directe. Il n’y a pas de mal à échouer et à réessayer, et il n’y a donc pas de mal à perdre de l’argent de temps en temps.”

La recommandation

Développer des programmes d’éducation des investisseurs et des mécanismes de soutien pour éduquer les entreprises de l’industrie non spatiale sur le secteur, ses rendements potentiels et les stratégies d’atténuation des risques.

Cela inclurait des workshops, des programmes de mentorat et des ressources en ligne pour accroître la confiance et les connaissances des investisseurs. 

D’accroître la relation entre clients finaux des applications spatiales et le secteur amont spatial en encourageant les partenariats stratégiques entre New Space et partenaires à la fois investisseurs et clients.

Pour cela, on ne peut qu’encourager les acteurs du New Space et leurs leveurs de fonds à adapter leur stratégie de recherche de financements aux clients finaux non-spatiaux. Il faut aller chercher les investisseurs là où se situe la création de valeur du spatial : parmi les clients des applications, et les associer plus en amont aux développement de l’infrastructure capable de produire les données qu’eux même utilisent.

Limites / points d’attention 

Ces mesures sont utiles pour essaimer l’information et créer des passerelles, mais ne suffisent pas compte-tenu des différences de cultures (compréhension de la technologie, rapport au risque…) entre le New Space et les clients finaux non-spatiaux. L’émergence de licornes et d’applications à succès seraient les meilleurs moyens pour convaincre les clients finaux d’investir dans le spatial.


Sources