L’Alliance Stratégique des Etudiants du Spatial s’est constituée autour des questions de stratégie et vient apporter au secteur spatial le point de vue de la jeunesse, passionnée, novice et candide, fervente de contribuer à son tour. Afin d’ancrer les travaux thématiques des neuf groupes de travail de l’association dans une perspective plus large et cohérente, nous vous proposons ce rapport Nexus Alpha.
Ce fut un travail collectif de grande ampleur qui a réunit plus de 70 participants, une trentaine de rédacteurs et un quinzaine de personnalités et mentors pour répondre à nos interrogations. Il sera la base de travail de nos futurs travaux, un socle commun de réflexion sur laquelle itérer.
Le contexte de publication de ce rapport est particulièrement stimulant : depuis 2019, la France s’est dotée d’une stratégie spatiale de défense. Des fédérations de professionnels et des instituts de recherche appellent depuis de leur voeux une stratégie équivalente pour le secteur civil. En juin 2024, les adhérents d’ASTRES décident ensemble de travailler à leur vision pour le futur du spatial français et les travaux démarrent dès septembre. Or, en mars 2025, le gouvernement annonce la publication d’une stratégie spatiale nationale à l’été. Toutes ces initiatives partagent le même objectif : éclairer les enjeux, structurer les options possibles et proposer des pistes d’orientation pour contribuer à une meilleure compréhension et prise de décision sur ce sujet. Ce rapport ne prétend donc ni à l’exhaustivité ni à la solution définitive. Le rapport Nexus Alpha se place comme la vision de professionnels en devenir, passionnés et motivés à se former.
>> Pour suivre l’évolution de cette réflexion, suivez nous sur Linkedin !
Le 19 mars dernier, la Cité de l’Espace accueillait une soirée dédiée à la vision des jeunes sur l’évolution du spatial. Lisa Wong, responsable du GT Exploration Spatiale et ancienne Secrétaire de l’association ASTRES, y représentait notre collectif. Elle revient pour nous sur les échanges, les enjeux soulevés, et les perspectives à venir.
1. Lisa, quel regard portes-tu sur l’événement du 19 mars, maintenant que quelques semaines ont passé ?
La table ronde organisée par la Commission Jeune de l’Association des Amis de la Cité de l’Espace a été une très belle expérience. J’ai tout d’abord été ravie de rencontrer Catherine Le Cochennec, qui a organisé la table ronde et qui manifeste un véritable intérêt pour l’initiative portée par ASTRES. L’événement portait sur la place des jeunes dans le secteur spatial, un thème qui fait clairement écho à notre démarche au sein de l’association.
Ce moment d’échange m’a également permis de découvrir d’autres parcours : des personnes engagées dans le spatial, mais de manière très différente de la mienne ou complémentaire. C’était enrichissant de voir cette diversité de passions, de projets, d’ambitions. Cela reflète bien l’évolution actuelle du secteur spatial, qui devient de plus en plus ouvert et multiple.
2. Quels types de discours ou de préoccupations sont ressortis de la part des jeunes présents ?
Nous étions neuf jeunes à participer à cette table ronde, tous engagés dans le spatial, que ce soit à travers des associations ou par la création d’entreprises. Ce qui a marqué, c’est que l’engagement dans le secteur spatial naît souvent d’une véritable passion, pas forcément via un parcours académique classique, ni uniquement en tant qu’ingénieur ou scientifique. C’est un point sur lequel tout le monde semblait s’accorder.
Le spatial offre aussi des expériences uniques, qui donnent envie de s’impliquer dès les premières étapes, parfois même avant d’entrer dans le monde professionnel. C’est un domaine technique, certes, mais qui s’ancre aussi dans des enjeux globaux qui concernent l’ensemble de l’humanité. Un autre aspect important qui a émergé, c’est le rôle de la proximité géographique avec les acteurs du spatial : beaucoup étaient basés à Toulouse, qu’il s’agisse d’associations ou d’entreprises. Une start-up, par exemple, avait un pied à Toulouse et un autre aux États-Unis, pour des raisons stratégiques liées à l’accès aux partenaires et aux contrats.
En termes de préoccupations, deux grands thèmes ont dominé : la militarisation de l’espace, fortement réactivée par le contexte international actuel, et les enjeux éthiques. On a beaucoup parlé d’écologie, aussi bien sur Terre qu’en orbite. Une start-up comme Heiwa, par exemple, travaille sur la gestion des ressources en eau et la surveillance des menaces hydriques. Enfin, la question de la pollution spatiale a également été très présente dans les échanges, notamment avec la montée en puissance d’acteurs privés comme Starlink et d’autres opérateurs américains.
3. As-tu perçu un véritable dialogue entre les générations, étudiants, startups, industriels, acteurs publics ? Ou restait-on dans des logiques parallèles ?
Lors de cette soirée, la majorité des intervenants venaient du monde étudiant ou de jeunes start-ups. Mais ce qui m’a frappée, c’est à quel point leurs expériences étaient complémentaires. Cela se voyait déjà dans la manière dont la table ronde avait été construite : trois séquences distinctes avaient été proposées.
La première portait sur la sensibilisation des jeunes au spatial, principalement via l’éducation et les premières formes d’engagement. La deuxième mettait en avant les projets associatifs, menés par des étudiants qui, souvent en parallèle de leurs études, s’investissent activement pour concevoir des projets spatiaux. Et la dernière était dédiée à l’entrepreneuriat, avec des jeunes qui participent déjà à la structuration du secteur à travers leurs entreprises.
Ce format permettait une vraie dynamique : nous étions tous sur scène en même temps, ce qui a facilité les échanges. Même si certaines questions étaient destinées à une table ronde en particulier, elles étaient souvent ouvertes, ce qui permettait à chacun de rebondir et d’interagir au-delà de son propre cadre. On sentait une forme de dialogue réel, et parfois, on se reconnaissait dans les réponses des autres, même si nos parcours étaient différents.
Un autre moment marquant a été la prise de parole de deux lycéens, invités par l’Association des Amis de la Cité de l’Espace. Ils sont intervenus à la toute fin pour donner leur ressenti sur les discussions. C’était précieux de voir ce qu’ils avaient retenu, ce qui les avait touchés ou interpellés. Finalement, ce sont eux qui seront directement concernés par les messages que nous avons portés : ce sont les futures générations, celles qui entreront bientôt dans des études, qu’elles soient liées ou non au spatial. Et je pense qu’ils ont bien saisi qu’il était possible de contribuer à ce domaine, même sans y travailler directement.
ASTRES représenté à la table ronde “Sensibiliser” par Lisa Wong, pour porter la voix d’une génération engagée.
4. En tant que représentante d’ASTRES, quel message as-tu voulu faire passer à travers ta prise de parole ?
Mon premier objectif était de faire connaître ASTRES : son identité, ses missions et la vision qu’elle porte. L’association s’appuie sur des valeurs fortes comme l’engagement, la fédération d’une nouvelle génération de passionné·es, et la diversité des profils qui la composent, que ce soit en termes de parcours professionnels, d’origines, ou de sensibilités.
Je tenais aussi à expliquer concrètement ce que nous faisons, à travers nos neuf groupes de travail et les projets que nous menons collectivement. Un autre message essentiel était de montrer pourquoi on rejoint ASTRES : pour créer un espace d’expression, de réflexion partagée, mais aussi pour se sentir légitimes à prendre la parole dans le débat spatial. L’association joue un rôle clé à ce niveau, car elle donne cette légitimité, elle la soutient et la transmet, par sa présence dans des événements, par la visibilité de ses projets, ou encore par l’attention qu’elle suscite de la part d’acteurs reconnus du secteur.
Un point qui me tenait particulièrement à cœur, c’était d’expliquer comment nous portons cette voix des jeunes. Cela passe avant tout par le collectif : en favorisant les synergies entre membres, mais aussi en nouant des partenariats, on multiplie les espaces de réflexion et d’action. Ce sont les membres qui font vivre ASTRES, leurs motivations, leurs idées, leurs ambitions sont à l’origine des projets. ASTRES ne dicte pas une ligne, elle permet aux initiatives individuelles de prendre de l’ampleur et d’être partagées.
En résumé ce que j’ai voulu transmettre, c’est l’importance de la place des jeunes dans les réflexions stratégiques du secteur spatial. Leur présence permet au secteur de mieux comprendre les préoccupations des futurs acteurs : la durabilité, la diversité, la qualité de la formation, entre autres. Ce sont ces enjeux qui façonneront l’espace de demain.
5. Qu’est-ce que cette soirée a changé, ou confirmé, dans ta manière de concevoir l’engagement des jeunes dans le spatial ?
Cette soirée m’a permis de réaliser qu’il existe une multitude de façons de s’engager dans le secteur spatial. L’engagement peut se manifester à travers des associations, des approches techniques, des réflexions collectives, des tables rondes comme celle-ci, ou encore par la création d’entreprises. Bien sûr, ce sont les exemples qui ont été partagés lors de l’événement, mais il y en a bien d’autres.
Une autre chose qui a été confirmée pour moi, c’est l’importance de transmettre cet engagement aux jeunes, non pas nécessairement en les incitant à faire carrière dans le spatial, mais en démocratisant la culture spatiale. C’est un aspect fondamental pour ouvrir ce secteur à une plus large audience et permettre à chacun de s’impliquer à sa manière.
6. L’événement a-t-il permis de créer des ponts concrets ? Des idées de collaboration, de projets, des contacts à suivre ?
Oui, l’événement a été une belle opportunité pour faire connaître ASTRES, en particulier auprès des jeunes. Il y avait un public assez varié : des lycéens, des étudiants, mais aussi des familles. Après la table ronde, plusieurs personnes sont venues échanger avec nous sur notre stand. C’était très intéressant de discuter avec elles, de voir ce qu’elles avaient compris de notre démarche, parfois elles l’avaient bien perçue, parfois elles l’imaginaient différemment, et cela a ouvert de beaux échanges.
Nous avons aussi pu nous rapprocher des bénévoles de l’Association des Amis de la Cité de l’Espace. Catherine Le Cochennec, qui nous avait invités à participer à cette table ronde, a exprimé son enthousiasme et souhaite poursuivre une collaboration avec nous. Grâce à ce lien, nous avons été invités à intervenir sur Campus FM pour revenir sur l’événement. J’y ai participé avec Catherine et Éric, également membre de l’association organisatrice.
Une collaboration plus concrète est également en discussion entre cette association et notre groupe de travail “Culture spatiale” : l’idée serait d’organiser ensemble des événements destinés à sensibiliser un public plus large, en particulier les jeunes, aux enjeux du spatial. Cela aurait aussi du sens pour l’Association des Amis de la Cité de l’Espace, dont le public est actuellement composé en majorité de personnes retraitées. Notre participation pourrait contribuer à attirer une nouvelle génération et à diversifier les perspectives abordées.
Enfin, nous avons reçu une autre invitation de la part de l’équipe de la “Radio des Amis de l’Espace” pour intervenir lors de prochaines émissions sur Campus FM. Cela pourrait donner lieu à un projet régulier autour des sujets spatiaux, ce qui serait une très belle vitrine pour prolonger nos actions.
ASTRES à la rencontre du public pour transmettre la passion du spatial.
7. Selon toi, que faudrait-il améliorer pour que ce type d’événement gagne encore en impact ? Qu’est-ce qui manque encore aujourd’hui ?
Le sujet de la table ronde était, selon moi, extrêmement pertinent, et je pense que cela a été ressenti aussi bien par les membres d’ASTRES que par toutes les personnes invitées à y participer. C’est un thème qui est d’ailleurs activement traité au sein de notre groupe de travail “Culture spatiale”, mais aussi plus largement dans ASTRES, du fait même de l’identité de notre association.
Et pourtant, l’événement n’a pas suscité un grand engouement en termes de public. Cela révèle une difficulté persistante : celle de rendre le spatial plus accessible au grand public, alors même qu’il touche chacun d’entre nous. Cet écart montre que l’engagement dans ce domaine peut sembler plus difficile ou plus élitiste qu’il ne l’est en réalité, ce qui fait d’ailleurs pleinement écho aux discussions de la soirée.
On a tendance à croire que le spatial est réservé aux ingénieurs ou aux scientifiques, car il est très technique dans l’imaginaire collectif. Mais cet événement a montré qu’il peut aussi être abordé à travers d’autres prismes : culturels, éducatifs, entrepreneuriaux… Ce n’est pas un domaine réservé à une élite, et c’est un message à faire passer plus largement.
À ce titre, je tiens à saluer le travail de l’Association des Amis de la Cité de l’Espace. Ce qu’ils font pour engager les jeunes est vraiment précieux. Ils organisent différentes actions pour permettre à ceux qui sont simplement curieux ou passionnés de trouver une place, de s’impliquer à leur manière. Et c’est exactement ce genre d’initiatives qu’il faut encourager pour renforcer l’impact de ce type d’événements.
8. Enfin, si tu devais résumer en une phrase ce que les jeunes ont à dire au secteur spatial aujourd’hui… ce serait quoi ?
Les jeunes diraient au secteur spatial qu’il est temps de redéfinir ses priorités, de choisir des usages qui ont du sens pour nous en tant qu’êtres humains, sans se laisser entraîner dans une course aux ambitions floues ou discutables, car même si nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses, nous savons qu’il est urgent de questionner les enjeux éthiques, environnementaux et sociétaux pour mieux décider où placer la barre.
Pour prolonger cet échange, vous pouvez retrouver Lisa Wong dans l’émission spéciale “Les jeunes et l’espace”, diffusée le 9 avril 2025 sur Campus FM. Elle intervient entre 10:10 et 12:30 pour revenir sur la table ronde et partager sa vision de l’engagement des jeunes dans le secteur spatial.
Les accords Artémis rassemblent des pays autour d’un ensemble commun de principes destinés à guider l’exploration civile de l’espace de manière paisible. Il s’agit d’un effort dirigé par les États-Unis, via la NASA et le Département d’État américain, dont l’objectif est d’étendre l’exploration spatiale et de s’accorder sur son développement futur. En particulier, « THE ARTEMIS ACCORDS : PRINCIPLES FOR COOPERATION IN THE CIVIL EXPLORATION AND USE OF THE MOON, MARS, COMETS, AND ASTEROIDS FOR PEACEFUL PURPOSES » cite la NASA [1]. Ils sont, en outre, explicitement fondés sur le Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes de 1967, que les signataires sont tenus de respecter.
Contenu des accords
Les accords Artemis, rédigés en 13 sections, peuvent être décrits selon 6 axes [2].
Valeur juridique : Section 1 – Purpose and Scope | Section 2 – Implementation | Section 13 – Final provisions
Les Accords Artémis sont des engagements politiques, non contraignants, qui définissent des principes de coopération pour l’exploration de la Lune. Ils ne créent pas d’obligations juridiques pour les pays signataires, qui devront formaliser leur coopération dans des accords bilatéraux spécifiques pour chaque projet.
Partage d’informations : Section 4 – Transparency | Section 7 – Registration of space objects | Section 8 – Release of scientific data
La Section 4 engage les signataires à partager de manière transparente leurs politiques et projets spatiaux, dans l’esprit du Traité de l’Espace [4]. La Section 7 prévoit que les signataires déterminent ensemble qui doit enregistrer les objets spatiaux pour les missions coopératives, y compris en cas de partenariat avec des pays non-signataires de la Convention d’Enregistrement. Enfin, la Section 8 promeut le partage ouvert des données scientifiques issues de missions communes, avec une coordination pour protéger les informations sensibles, bien que cet engagement ne s’applique pas aux activités du secteur privé.
La Section 5 encourage les signataires à développer des infrastructures et des standards communs pour faciliter l’exploration, tels que les systèmes de stockage de carburant, les structures d’atterrissage, et les systèmes de communication et d’énergie, en utilisant ou en établissant des normes d’interopérabilité adaptées. La Section 6 engage les signataires à fournir une aide aux astronautes en détresse dans l’espace, conformément aux obligations du Traité de Sauvetage et de Retour (Agreement on the Rescue of Astronauts, the Return of Astronauts and the Return of Objects Launched into Outer Space [3]).
Réduction des débris spatiaux : Section 12 – Orbital debris
La Section 12 des Accords Artémis engage les signataires à limiter la création de débris spatiaux en planifiant la fin de vie de leurs engins spatiaux pour qu’ils soient passivés et éliminés de manière sûre et efficace. Pour les missions conjointes, il est précisé quel signataire est responsable de cette planification. Les signataires s’engagent aussi à minimiser la formation de débris durables, en prenant des mesures comme la sélection de trajectoires sécurisées et l’élimination de structures spatiales en fin de mission.
Exploitation des ressources extra-atmosphérique : Section 9 – Preserving outer space heritage | Section 10 – Space resources
La Section 9 engage les signataires à préserver le patrimoine spatial (sites d’atterrissage historiques, artefacts, etc.) sur les corps célestes, en suivant des normes communes, et à contribuer à l’élaboration de pratiques internationales pour leur protection. La Section 10 traite de l’exploitation des ressources spatiales, comme celles de la Lune ou des astéroïdes. Elle souligne que cette extraction doit respecter le Traité de l’Espace [4] et qu’elle ne constitue pas une appropriation nationale. Les signataires s’engagent à notifier les Nations Unies et la communauté scientifique de leurs activités d’extraction, et à participer aux discussions internationales pour développer des pratiques encadrant cette utilisation des ressources.
Déconfliction de l’espace : Section 3 – Peaceful purposes | Section 11 – Deconfliction of space activities
La Section 3 stipule que toutes les activités doivent rester pacifiques et conformes au droit international. La Section 11 engage les signataires à éviter les interférences nuisibles en coordonnant leurs opérations, notamment en créant des “zones de sécurité” temporaires autour d’activités spécifiques pour protéger les opérations sensibles. Ces zones visent à garantir la sécurité sans restreindre l’accès libre à l’espace, et les signataires s’engagent à notifier tout changement aux autres acteurs concernés et aux Nations Unies.
Acteurs
La NASA, en coordination avec le Département d’État américain et sept autres pays signataires initiaux (Australie, Canada, Italie, Japon, Luxembourg, Émirats arabes unis, Royaume-Uni et États-Unis), a établi les Accords d’Artémis en 2020. Le 25 octobre 2024, le Chili est devenu la 47e nation à signer les accords [5].
Pays signataires des accords Artemis au 25 octobre 2024 (NASA)
Implications pour la Stratégie Spatiale française
La place de la France dans les accords et le programme Artemis
Les coopérations industrielles entre la France, via l’ESA, et la NASA sont anciennes et précèdent de plusieurs années la structuration politique du programme Artemis et la mise en place des accords. Contrairement aux missions américaines Apollo, réalisées il y a près de cinquante ans, les missions Artemis offrent la perspective d’envoyer un jour un astronaute français sur la Lune. Sans la NASA, ni la France, ni l’Europe n’ont les moyens de mener seules une telle expédition. Il existait donc en France une volonté politique d’intégrer pleinement le programme Artemis, pour des raisons de prestige, de coopération scientifique et de débouchés industriels. [6]
L’Agence spatiale française – le Centre national d’études spatiales (CNES) – a ainsi souligné dans un communiqué de presse :
« [les accords Artemis] offrent de nombreuses opportunités pour l’industrie et la recherche scientifique, tant au niveau national qu’européen. Des entreprises françaises du secteur sont déjà activement investies dans le programme Artemis. La signature de la France doit ainsi permettre de prolonger et d’approfondir ces coopérations mutuellement bénéfiques. »
Grâce à son savoir-faire et après avoir signé les accords Artemis, la France devrait, par le biais de l’Agence spatiale européenne, directement contribuer au programme Artemis. Ce sera le cas par exemple avec le module Esprit, qui apportera des outils de communication et le ravitaillement sur la Lunar Gateway, la station en orbite lunaire. De plus, l’ESA se voit chargée de développer un module de la capsule Orion destinée à transporter les astronautes vers la Lune, ESM. European Service Module (ESM) fournit de l’électricité, de l’eau, de l’oxygène et de l’azote et maintient le vaisseau spatial à la bonne température et sur sa trajectoire [7]. Ce module est notamment développé par Airbus Defence and Space.
Les accords Artemis mettent en évidence la volonté d’une coopération internationale concernant les futurs explorations (lunaires, martiennes, etc.). La France, membre de l’ESA, présente donc un rôle à jouer dans cette quête et la stratégie spatiale du pays peut prévoir une place pour ces missions du retour de l’Humain sur la surface de la Lune.
Propositions pour la stratégie spatiale d’ASTRES
Afin d’approfondir le sujet, voici quelques questions que l’on peut se poser vis-à-vis de la place de la France dans ces accords Artémis :
La France doit-elle participer activement, aussi financièrement, au programme Artémis ? Si oui, pour quelles raisons ?
L’idée derrière cette question serait d’étudier si la France ou l’ESA doivent encourager le développement de technologie via des financements qui pourraient s’appliquer au programme Artémis. Typiquement, il pourrait s’agir d’un appel à projet pour une base lunaire, pour un alunisseur, etc. Cela permettrait à des entreprises su secteur privé de candidater et donc de pouvoir participer au programme.
Cela pourrait permettre à la France de participer en tant qu’acteur non négligeable à un projet de collaboration mondiale vers un objectif historique, le retour de l’Homme sur la surface de la Lune. Un de ces astronautes sera européen (astronaute de l’ESA) et possiblement français (Thomas PESQUET étant un potentiel candidat).
Il est aussi possible d’évoquer la contribution de la France au programme Artémis via ESM, ESPRIT par exemple. La stratégie pourra proposer donc une réflexion sur l’utilité d’approfondir cette participation au programme lunaire ou non.
Le New Space a-t-il sa place vers le retour sur la Lune ? A quoi peuvent prétendre ces acteurs privés plus modeste ?
Il s’agit un peu d’une suite de la première question mais appliquée au NewSpace français et européen. Il s’agit surtout d’une réflexion sur “Le NewSpace a-t-il sa place au sein du programme Artémis ?”. Je n’ai pas la réponse à cette question, c’est une question ouverte qui pourrait s’inscrire dans la stratégie d’ASTRES.
Voici des articles intéressant sur la place de l’industrie française vers le programme Artemis :
En outre, des collaborations entre l’ESA/CNES et les industries françaises pourraient avoir lieu afin de donner à ces entreprises une plus grande place via la notoriété et le pouvoir des agences spatiales.
On peut aussi parler de TechTheMoon, initiative du CNES pour promouvoir des startups développant des solutions spatiales pour l’environnement lunaire (ou EuroMoon pour la version européenne).
La France doit-elle faire évoluer sa Loi sur les Opérations Spatiales (LOS) ?
Disclaimer : il s’agit de la proposition de cette association. L’objectif n’est pas de copier cette proposition mais de souligner ce qui parait pertinent et confronter cette vision à celle d’ASTRES.
L’ANRT prévoit, entre autres :
« ÉLARGIR LE CHAMP D’APPLICATION DE LA LOS À DEUX NOUVELLES OPÉRATIONS SPATIALES»
Les opérations spatiales en orbite :
L’ANRT cite « En France, l’article 1er de la LOS a une vision linéaire de l’opération spatiale, qui ne convient pas directement à un champ nouveau, celui des opérations spatiales en orbite ». Ces opérations connaissent une actualité importante alors que les technologies d’in-orbit servicing et d’in-orbit manufacturing se développent de façon croissante. Par exemple, la loi permettrait de déterminer qui serait responsable lors de phase de docking de deux objets spatiaux (responsabilité conjointe, individuelle, alternée ?).
Les opérations spatiales sur un corps céleste :
L’article 1er de la LOS mentionne actuellement la maîtrise d’objets spatiaux sur des corps célestes comme la Lune, mais cette définition est jugée trop générique et linéaire pour encadrer les nouvelles opérations lunaires complexes. En effet, il ne s’agit plus seulement de gérer un objet unique dans l’espace, mais d’accompagner des activités variées comme l’extraction, le raffinage de ressources, l’installation de bases modulaires, ou le décollage de lanceurs depuis la Lune. Cette extension du champ d’application viserait à inclure ces activités sous un régime de responsabilité spécifique aux corps célestes, en séparant le droit spatial du droit minier pour mieux adapter les règles aux particularités environnementales et technologiques de la Lune.
« QUELQUES ASPECTS PARTICULIERS S’AGISSANT DES OPÉRATIONS SUR UN CORPS CÉLESTE »
L’ANRT propose d’ajouter trois éléments à la LOS :
On pourrait placer dans le giron des dispositions de la LOS sur les données spatiales, la cartographie de la Lune, des corps célestes et de leurs ressources
Protéger les données de cartographie et de ressources lunaires via un statut juridique national, imposant aux opérateurs de transmettre des informations géologiques (comme des échantillons et images satellites) pour une base de données publique. Cela vise à empêcher l’extraction de rentes, favorisant ainsi une concurrence équitable et le partage scientifique.
Demande de preuve d’activité pour les opérateurs détenteurs d’une licence
Conditionner les licences d’opérations sur la Lune à des preuves d’activités régulières (dépenses ou missions préparatoires) pour éviter toute appropriation de site sans utilisation effective.
Enjeux environnementaux
Exiger une étude d’impact environnemental avant toute activité, incluant des analyses sur les déchets, la poussière, et les modifications chimiques du régolithe. Ces mesures permettraient à la France de développer un “code de conduite environnemental” pour les futures missions lunaires.
Important : Etudier une loi, telle que la LOS, ne fait pas partie de mon domaine d’expertise mais semble néanmoins être une piste intéressante concernant le devenir de l’exploitation des ressources spatiales et aussi possiblement le transport spatial vers la lune (ou mars à plus long terme)
L’Homme a fait ses premiers pas sur la Lune il y a déjà plus de 50 ans. Aujourd’hui, les challenges technologiques sont nombreux et les nouveaux projets et expériences scientifiques dans le deep space éclosent, tandis que l’accès à l’espace est de plus en plus simple, que ce soit dans le public ou dans le privé. Avec plus de 5000 satellites actifs lancés dans l’espace jusqu’à fin 2021 et plus de 10 tonnes de matériaux terrestres sur la surface de Mars, une question se pose: Que laissons-nous comme traces de notre passage dans le système solaire et au-delà et comment ne pas créer de malentendus dans les siècles à venir ?
Notre empreinte cosmique, comment la réguler ?
Amener l’Homme sur d’autres planètes apporte des problématiques de contamination mais aussi de management de déchets ou de systèmes ayant terminé leur mission. Notre “empreinte cosmique” doit être régulée afin d’anticiper de potentiels problèmes futurs.
Un registre procédural mis à jour régulièrement pourrait être implémenté afin de garder une trace des comportements humains atteignant le deep space et une définition stricte des niveaux de stérilisation pourrait être prise en compte pour chaque objet quittant notre planète.
Par ailleurs, aucune loi concernant la colonisation contrôlée d’autres astres n’a été promulguée pour le moment, qu’elle soit humaine ou robotique. Il serait pertinent de travailler sur une proposition de loi française et européenne pour encadrer la colonisation des astres par des institutions publiques ou privées sur des aspects de préservation de l’environnement, d’exploitation et de juridiction sur place.
L’exploration humaine d’autres planètes peut paraître lointaine mais une réflexion sur les aspects mentionnés ci-dessus serait en mesure d’anticiper les potentiels chassé-croisés et d’impliquer les instances gouvernementales compétentes.
Sources
Dan, R. “Quand Le Capitalisme Se Rêve Un Destin Cosmique.” Lvsl.fr – Tout Reconstruire, Tout Réinventer, 8 Jan. 2022, lvsl.fr/quand-le-capitalisme-se-re%CC%82ve-un-destincosmique/#:~:text=En%202020%2C%201%20283%20satellites
“Liste Des Objets Artificiels Sur Mars.” Wikipedia, 29 Apr. 2023, fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_objets_artificiels_sur_Mars#:~:text=2%20Liste
Les feuilles de route de l’exploration spatiale tracent des chemins très similaires dans la plupart des grandes agences spatiales nationales. Ils prennent leur envol depuis l’orbite terrestre basse (LEO) jusqu’à Mars, en passant par notre astre le plus proche : la Lune. La maîtrise des technologies en orbite basse est capitale car elle permet à une puissance spatiale de pouvoir prétendre à organiser les prochaines étapes.
L’accès de l’Homme à l’espace serait favorable à l’économie nationale. Dans un premier temps, cela créerait des emplois à forte valeur ajoutée. De plus, une économie spatiale mondiale autour de l’exploration humaine est en train de se mettre en place avec notamment des nouveaux services à fort intérêts financiers et logistiques. Par ailleurs, il s’agit dans un même temps de créer de l’engouement chez les jeunes générations et de perpétuer cette économie sur le long-terme.
Alors quels sont les ingrédients essentiels pour un vol habité autonome en LEO ? Un lanceur, une capsule habitée, certainement une station spatiale pour étudier les comportements humains sur du long-terme et la capacité de ravitaillement. Malheureusement, la recette est incomplète pour l’Europe, malgré quelques éléments français.
Le rapport du High Level Advisory Group, comprenant les réflexions stratégiques des acteurs industriels, des gouvernements, des universités et de la société civile, souligne ce retard et invite vivement à concentrer les ressources sur la création d’une autonomie européenne durant la prochaine décennie.
Concrètement, quelles sont les problématiques actuelles concernant ce sujet ?
Concrètement, quelles sont les problématiques actuelles concernant ce sujet ? Contrairement aux deux plus grandes puissances spatiales, la France a peu d’héritage et de projet concret en cours sur les systèmes de vols habités comme les capsules, permettant l’accès habité à l’espace, ou les stations spatiales contribuant aux études scientifiques nécessaires au progrès technologique du vol spatial habité. L’Europe, via son programme Terrae Novae, commence doucement à se mettre en route pour participer aux projets internationaux, mais met à nouveau de côté l’aspect d’autonomie.
En manque de budget et de stratégie disruptive, les projets ambitieux dans le cadre de cet accès doivent être supportés technologiquement, juridiquement et financièrement par les instances publiques avec un poids politique fort. Pourtant, la France et l’Europe ont des acquis non négligeables tels que l’ATV, véhicule de type cargo ou encore les contributions fortes dans les programmes de l’ISS avec Colombus, et d’Artemis avec le module de service d’Orion.
Recommandations
Allouer un budget plus conséquent à l’exploration spatiale humaine afin de créer un engouement pour développer ces technologies, définir une zone d’action française dans la roadmap européenne et de supporter les projets déjà en cours tels que le véhicule Susie d’ArianeGroup, le airbus Loop ou encore la capsule Nyx de The Exploration Company. Pour comparaison, les Etats-Unis allouent 50% du budget spatial civil dans les vols habités contre 10 à 15% pour l’Europe.
Une stratégie de communication sur les besoins urgents à développer, à destination des industriels et des start-up, doit être intégrée à la stratégie française sur l’exploration spatiale. En mai 2023, l’ESA a lancé une invitation à proposer des services de transport type cargo, destinée aux entreprises spatiales européennes. La France doit pousser son industrie spatiale à s’investir dans ces projets.
Sources
HLAG, Revolution Space: Europe’s Mission for Space Exploration, March 2023
Notre ère marque une transition majeure dans l’exploration spatiale. L’émergence du Newspace, caractérisée par une multitude d’acteurs privés innovants, a ouvert de nouvelles perspectives pour l’exploitation des ressources spatiales. Ces ressources comprennent de l’eau, des métaux, de l’oxygène et d’autres matières premières présentes sur la Lune, les astéroïdes et autres corps célestes. Les avantages potentiels de l’exploitation de ces ressources sont nombreux, allant du ravitaillement en orbite pour les missions spatiales à l’alimentation des industries terrestres en éléments rares.
Cependant, pour que ces possibilités profitent pleinement à la France, il est impératif de renforcer les capacités de recherche, de développement et d’innovation dans ce domaine. C’est dans ce cadre que nous recommandons l’établissement d’un centre national d’études sur les ressources spatiales, qui pourrait permettre à la France d’être un leader du domaine.
Objectifs et fonctionnement
Ce centre national d’études sur les ressources spatiales pourrait être un organisme multidisciplinaire rassemblant des experts de divers domaines tels que la géologie, la physique, la chimie, l’astrophysique, et l’ingénierie spatiale. Ses principaux objectifs seraient les suivants :
Recherche et développement : Le laboratoire mènerait des études approfondies sur les caractéristiques des ressources spatiales, leur abondance, leur distribution géographique et leurs applications potentielles. Les chercheurs développeraient de nouvelles technologies et méthodes pour l’exploration, l’extraction et l’utilisation efficaces de ces ressources.
Innovation technologique : Le laboratoire favoriserait la collaboration entre les acteurs industriels, les universités et les centres de recherche afin de stimuler l’innovation et de développer de nouvelles technologies adaptées à l’exploitation des ressources spatiales. Des partenariats public-privé seraient encouragés pour accélérer la mise sur le marché de ces innovations.
Formation et sensibilisation : Le laboratoire jouerait un rôle central dans la formation des futurs experts du secteur des ressources spatiales. Des programmes éducatifs seraient développés en collaboration avec les universités et les établissements d’enseignement supérieur afin de former une nouvelle génération de scientifiques et d’ingénieurs spécialisés dans ce domaine émergent.
Coordination et soutien : Le laboratoire servirait de plateforme centrale pour la coordination des activités liées aux ressources spatiales au sein de l’écosystème Newspace français. Il faciliterait les échanges de connaissances, la collaboration entre les différentes parties prenantes et le soutien aux startups et aux entreprises dans la mise en œuvre de leurs projets.
La création d’un centre national d’études sur les ressources spatiales renforcerait considérablement la position de la France en tant qu’un des leaders mondiaux dans le domaine de l’exploitation des ressources spatiales. En investissant dans la recherche et le développement de technologies innovantes, la France serait en mesure de capitaliser sur les opportunités économiques et scientifiques offertes par l’exploitation des ressources extraterrestres. En travaillant de concert (startups, groupes industriels, partenaires publics…), nous pourrions ouvrir de nouvelles frontières et transformer l’industrie spatiale française en un moteur d’innovation et de croissance durable.