Quelle intrication entre le civil et le militaire dans la stratégie spatiale française?

Par le GT Gouvernance

Résumé

Le programme spatial français, né des initiatives balistiques des années 1960, repose sur des technologies duales mêlant applications civiles et militaires. Observation, télécommunications, lanceurs et surveillance spatiale servent autant la souveraineté nationale que des usages stratégiques et scientifiques.

Point historique

Le programme spatial français prend ses racines dans le programme d’études balistiques de base (EBB) ou  « Pierres précieuses » dirigé par la SEREB (Société d’étude et de réalisation d’engins balistiques) et les sociétés Nord-Aviation et Sud-Aviation. 

Lancé en 1961, le  projet doit permettre l’acquisition des technologies nécessaires à la création du missile balistique S2 transportant la tête nucléaire MR31 ce qui aboutira involontairement à la création du lanceur Diamant. En effet, les avancées réalisées sur le moteur à propergols solides du missile S2 permettent le développement du moteur Vexin – équipant le Diamant – à ergols liquides (UDMH et péroxyde d’azote). Il en sera de même des technologies développées pour le guidage inertiel, la structure et les matériaux des fuselages. 

Aussi, les deux programmes bénéficient d’une mutualisation des compétences et des infrastructures industrielles notamment les usines d’Ericsson, de Nord-Aviation, Snecma et les sites de Brigitte – Hammaguir. 

Ainsi, dès sa création, le spatial civil français dérive de programme militaires et, dans un chassé-croisé fertile a permis de valider des technologies aux fins de renforcement de crédibilité militaire.

Technologies à double usage 

  • Observation et renseignement : Des satellites comme ceux de la série Helios et le programme CSO (Composante Spatiale Optique) servent des missions de renseignement militaire, tout en ayant des applications civiles pour la surveillance environnementale et la gestion des ressources. 
  • Télécommunications : Des programmes comme Syracuse (satellites de communication militaire) partagent parfois des technologies et des infrastructures avec des systèmes civils, optimisant ainsi l’utilisation des ressources et la couverture. 
  • Lanceurs spatiaux : Les lanceurs européens tels qu’Ariane sont utilisés pour des missions civilo-militaires, assurant la flexibilité et la sécurité d’accès à l’espace.

Initiatives de surveillance et de protection de l’espace 

  • SSA (Space Situational Awareness) : La France développe des capacités de surveillance spatiale pour détecter et prévenir des menaces potentielles, comme les débris spatiaux ou des actes d’agression intentionnelle. Cette surveillance bénéficie autant aux satellites civils qu’aux équipements militaires. 
  • Défense active : En 2019, la France a annoncé la création d’un commandement spatial militaire, avec des initiatives qui incluent la défense des satellites à l’aide de moyens potentiels tels que des nano-satellites patrouilleurs. 

Programme Helios 

  • Usage : C’est un programme de satellites d’observation de la Terre destiné principalement à des fins de renseignement militaire, mais qui a aussi des applications civiles telles que la surveillance environnementale et la cartographie. 
  • Collaboration : Les images et les données collectées peuvent être partagées avec des partenaires européens et utilisées par des institutions civiles pour des projets scientifiques et d’aménagement du territoire. 

Programme CSO (Composante Spatiale Optique) 

  • Usage : Ce programme remplace et améliore la capacité d’observation des satellites Helios. Il est conçu pour fournir des images de très haute résolution pour le renseignement militaire, tout en pouvant répondre aux besoins civils, comme la gestion des catastrophes naturelles. 
  • Partenariat : La France collabore avec d’autres pays européens, comme l’Allemagne et la Suède, qui participent au financement et bénéficient également des données collectées. 

Programme Pleiades 

  • Usage : Une constellation de satellites optiques d’observation de la Terre qui sert à la fois les utilisateurs militaires et civils. Les satellites Pleiades offrent une résolution d’image très précise et sont utilisés pour le suivi environnemental, la gestion des crises, l’urbanisme et des applications de défense. 
  • Particularité : Les images de Pleiades sont accessibles à des agences civiles et à des entreprises privées tout en répondant aux besoins stratégiques du ministère des Armées. 

Systèmes de télécommunications Syracuse 

  • Usage : Les satellites de communication Syracuse sont principalement utilisés par l’armée française pour assurer des communications sécurisées et résilientes sur le champ de bataille. Cependant, la technologie et certaines infrastructures associées ont des usages civils, notamment pour les communications gouvernementales et de secours. 
  • Avantages duaux : L’extension des capacités de Syracuse contribue également à la connectivité civile en cas d’urgence. 

Programme Galileo 

  • Usage : Bien que Galileo soit avant tout un programme de navigation civil géré par l’Union européenne, la France et d’autres pays européens intègrent des applications militaires dans son utilisation. Galileo offre un service de positionnement de haute précision, utilisé à des fins civiles (navigation, gestion de flotte) et militaires (guidage de systèmes d’armes, opérations tactiques). 
  • Caractéristiques duales : Il dispose d’un service PRS (Public Regulated Service) à usage restreint, destiné aux autorités publiques et aux militaires, garantissant un signal sécurisé en temps de crise. 

Programme Athena-Fidus 

  • Usage : C’est un satellite de télécommunications conçu pour fournir un service de bande Ka et de bande EHF pour les besoins des utilisateurs militaires et civils (principalement les administrations publiques). Il permet des communications à haut débit et sécurisées. 
  • Bénéfices partagés : Les administrations civiles peuvent utiliser cette capacité pour des applications telles que la gestion des urgences, la sécurité intérieure et la protection civile. 

Surveillance spatiale et Space Situational Awareness (SSA) 

  • Usage : Les capacités de surveillance spatiale de la France, telles que le programme GRAVES (radar de surveillance de l’espace), servent à surveiller les objets en orbite pour éviter les collisions et protéger les satellites. Ces capacités sont cruciales pour les opérations militaires, tout en ayant des applications civiles pour la sécurité et la durabilité des activités spatiales. 
  • Partenariats : Les données collectées par ces systèmes peuvent être partagées avec des partenaires internationaux et utilisées par des organismes civils pour améliorer la connaissance de la situation spatiale globale. 
  • Reconnaissance de l’espace comme domaine stratégique : La LPM souligne l’importance de la souveraineté spatiale dans le contexte de menaces croissantes et de militarisation de l’espace par d’autres puissances comme la Chine et la Russie. L’espace est ainsi reconnu comme un facteur clé de la défense nationale. 
  • Budget et investissements accrus : La LPM prévoit un budget de 5 milliards d’euros pour l’investissement dans les capacités spatiales jusqu’en 2025. Ces fonds sont alloués au développement de nouveaux satellites, à la résilience des infrastructures spatiales, et à la recherche de technologies avancées pour renforcer la sécurité et l’autonomie de la France. 
  • Commandement de l’Espace (CDE) : Créé en 2019, le CDE a pour mission de coordonner les opérations militaires spatiales et de collaborer avec le CNES pour intégrer les objectifs civils et militaires. Cela permet de gérer les menaces et de garantir la protection des satellites et infrastructures spatiales françaises. 
  • Renforcement des capacités de renseignement : L’accent est mis sur l’amélioration des satellites d’observation, tels que la Composante Spatiale Optique (CSO), pour fournir des images de haute résolution utiles tant pour le renseignement militaire que pour des usages civils. 
  • Surveillance et gestion des débris spatiaux : La France développe des capacités de surveillance spatiale (SSA), comme le programme GRAVES, pour suivre les objets en orbite et anticiper les risques de collision ou de menaces. La réglementation soutient ces efforts pour assurer la sécurité des satellites civils et militaires. 
  • Protection des infrastructures spatiales : Des mesures réglementaires ont été prises pour sécuriser les satellites contre les cyberattaques et d’autres menaces potentielles, en collaboration avec l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI). Cette approche intégrée vise à protéger les données stratégiques et garantir la résilience des systèmes spatiaux.

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