par Inès Llorens et Damien Baclet, Juin 2023
L’alimentation énergétique des appareils et infrastructures présents sur la Lune
La conquête spatiale reprenant sa course effrénée, la Lune redevient l’un des objectifs principaux de l’exploration spatiale. Deux tendances se dessinent : les États-Unis révèlent leur volonté d’installer des astronautes sur la Lune avec le programme Artémis, et la Chine affiche son désir de développer une base lunaire. L’Europe se positionne comme partenaire du Lunar Gateway, programmé par les États-Unis. La planification d’une présence durable sur la Lune est révélée et à terme sur Mars. Cela nécessite le déploiement de solutions énergétiques. Cette orientation soulève un enjeu majeur : l’alimentation énergétique des appareils et infrastructures présents sur la Lune. L’exploitation énergétique lunaire est confrontée à de nombreux défis qu’il est possible de mettre en lumière. Les contraintes liées à l’environnement lunaire constituent une difficulté : la poussière et la nuit lunaire qui correspond à 14 jours solaires (336 heures). Le coût est un obstacle majeur, l’envoi de matériaux sur la Lune étant extrêmement onéreux, une optimisation des matériaux est requise. 1 kilogramme envoyé équivaut à plusieurs centaines de milliers de dollars.
Trois dimensions principales sont à souligner pour une alimentation énergétique sur la Lune
La production d’énergie est possible sur notre satellite sous différentes formes. Une production nucléaire serait permise par les petits réacteurs modulaires. La filiale Rolls Royce SMR révèle la stratégie britannique de développer le nucléaire spatial. Par ailleurs, une production solaire est réalisable avec la construction de centrales solaires à la surface lunaire. Maana Electric est un acteur majeur projetant d’utiliser des ressources in situ pour la production de panneaux solaires. Ce projet est déjà en cours sur terre.
L’emploi de panneaux solaires en orbite est une alternative. Ces-derniers correspondent au Space Solar Based Power. Puis, le stockage de l’énergie doit répondre à la contrainte de la nuit lunaire. Celle-ci entraîne des conditions climatiques difficiles et un gradient extrême de températures pour les matériaux et le moyen de stockage. Un potentiel de développement de batteries existe et commence à être saisi par certains acteurs tels qu’Air Liquid.
Enfin, l’infrastructure et le transport sont le dernier défi à relever pour un développement énergétique lunaire. Ce transport peut être réalisé par câbles, entraînant la question du transport des matériaux ainsi que leur mise en place malgré les contraintes. Le projet Aurora-Connect a pour but d’élaborer des connecteurs spécifiques résistants à la poussière et sans genre, facilitant leur déploiement. Aussi, la distribution d’énergie sans fil est une autre possibilité avec un transport de l’énergie par ondes électromagnétiques en créant un lunar grid. Les startups EMROD et PowerLight projettent de développer cette technologie fondée sur le beaming. Selon la stratégie de la NASA, la transmission d’énergie sans fil sera adoptée à court et moyen terme, le temps de réaliser des câbles in-situ.
La France doit s’inscrire dans les défis d’énergie sur la Lune et affirmer sa place sur l’échiquier des Accords Artémis. La thématique de l’énergie sur la Lune est cruciale car elle constitue une force pour l’énergie sur Terre puis pour Mars. Les solutions disruptives développées pour la Lune ont un fort potentiel d’application pour la Terre qui nécessite des réponses innovantes.
Il est crucial qu’un signal politique fort soit porté sur les technologies énergétiques lunaires. Une feuille de route doit être dessinée pour donner une vision de la stratégie française et européenne pour l’exploration lunaire. Puis, une régulation de l’exploitation des ressources doit être affirmée, en particulier avec la prépondérance des acteurs commerciaux dans le domaine de l’énergie sur la Lune.
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